Deux avertissements pour cette critique : elle révèle des moments-clés et s'attache avant tout à la représentation de la bisexualité qu'il propose - un de mes centres d'intérêt du moment.
Le ton est donné dans l’introduction par le narrateur, qui paraît être Eddy : il s’agit de raconter une période de déviance, au sens à la fois de marginalité et de sexualité, durant une période d’internat d’études supérieures. Eddy prend également position à la clôture du film : il salue la beauté de ces moments d’expérimentation affective et sexuelle imprévus, pour indirectement indiquer qu’ils appartiennent au passé, un passé qu’il ne se risquera plus à expérimenter. Le film travaille passablement la thématique de la bisexualité, plutôt en énonçant qu’elle n’existe pas : jamais, cette possibilité n’est évoquée ; tous les personnages susceptibles par leurs pratiques d’être considérés bis, à savoir Eddy et Stuart, se voient confrontés à la norme monosexuelle (devoir choisir entre être hétéro ou homo). Le seul moment où la bisexualité est pratiquée sans dégoût, dans la scène de sexe à trois finale, montre seulement une relation sensuelle entre les deux hommes, et ne débouche que sur une prise de distance entre les membres du trio. Auparavant, l’unique rapport sexuel entre Alex et Eddy est considéré comme une erreur par Eddy. Les films représentant la bisexualité masculine sont rares, et Threesome, parce que son intention semble être surtout de nous divertir en relatant une courte période de déviance, passe à côté d'une occasion de se faire remarquer.
En se focalisant sur le thème du trio amoureux, et en faisant abstraction de la possibilité de la bisexualité, ce film se fait le vecteur de la si courante invisibilisation de la bisexualité.
Ce film a le charme des tragédies de Racine ou de Corneille : l'amour passionnel et adultérin y était déclamé et vécu avec délices, mais hardiment congédié à la fin pour que le message de l'oeuvre soit conforme aux normes de l'époque. Pendant bien une heure vingt, Threesome nous fait rêver sur les joies et plaisirs du trio amoureux et de relations affectives aux contours flous (et de ce fait intéressants), pour congédier prestement le tout à la fin. Et comme dans une tragédie, nous sommes prévenu-e-s dès le début. Le plus surprenant dans cette écriture, c'est que ce film, par son ton et ses personnages plutôt franchement stéréotypés, est indiscutablement une comédie. :)