Le cinéma de Rob Zombie m’inspire le plus profond respect, un des rares réalisateurs de genre horrifique actuel sachant rester cohérent envers son univers en assumant sa démarche et ses références, ses films ne sont peut être pas géniaux mais à chaque fois je comprends où le type veut aller et ce qu’il veut me raconter, et j’aime qu’un cinéaste me porte de l’attention pour m’embarquer dans un vrai climat et non déployer une esbroufe scénaristique sur-utilisée. Dans 31 on retrouve le background habituel, quelques visages récurrents (Sheri Moon Zombie obviously) et cet aspect craspec qui reste la signature de Rob, mais on sait aussi que tout peut arriver, que le mal peut très bien triompher, ce degré malsain va même souvent le pousser à créer des salopards attachants, ce qui est assez rare dans le schéma typique hollywoodien, ce mec ose et on ne peut que saluer l’audace. Ce petit dernier promettait donc les plus belles choses après un Lords of Salem froidement reçu (que j’ai personnellement trouvé très prenant) pour refaire goûter au public la saveur crue de la violence morbide, au menu hache, tronçonneuse et autres couteaux à cran d’arrêt, du frisson, de la sueur, du sang et des larmes, rien que ça.


Déjà l’introduction du film en noir et blanc m’a énormément plu, on voit cet espèce de psychopathe maquillé en clown face caméra qui offre les derniers "sacrements" à sa future victime, le procédé rappelle beaucoup Tarantino, laisser durer volontairement la séquence pour mesurer le ton employé et voir comment l’horreur va nous être servie, avec ce genre de monologue fait d’analogies et d’humour noir on ressent une sorte de malaise jouissif, ce qui est tout à fait plaisant. Ce personnage clownesque m’a d’ailleurs fait penser au Joker de The Dark Knight, la folie douce prête à se déchainer en la pire des fureurs, avec une réelle maitrise en terme d’interprétation, l’acteur est glaçant à souhait, on se dit qu’on a affaire à un putain de méchant charismatique qui va nous régaler tout du long, enfin c’était ce que j’espérais sur le moment car son absence par la suite restera une de mes principales désillusions. L’histoire en elle-même ne jouit pas d’une grande originalité, bon nombre de séries B se sont attelé au schéma du survival, mais c’est le principe du jeu ultra-violent qui est attirant, avec ces persos baroques et excentriques qui tirent les ficelles, un groupuscule macabre qui fait ses petits paris comme une course hippique, désignant leurs participants par des numéros de 1 à 5 précédemment kidnappés sur une route perdue au fin fond du sud des États-Unis, fief d’atrocités innommables depuis le Massacre à la Tronçonneuse de Tobe Hooper, référence majeure de Rob Zombie. Ces pauvres diables devront donc rester en vie durant 12 heures dans un espace clos grouillant (s’apparentant à une vieille usine ou une ancienne prison) face à des tueurs impitoyables, dont un nain grimé en Hitler (ça fallait vraiment le faire !), le temps est régulièrement décompté où les cotes de survie sont annoncées de vive voix à travers un haut parleur, l’ambiance est sombre et malsaine, tout ce qu’on aime.


Mais paradoxalement le problème va aussi venir de là, l’originalité perd petit à petit de son efficacité pour se piéger dans un certain contentement, l’angoisse ne prend plus le temps de se distiller et va basculer dans un faux rythme ne masquant pas sa redondance, due certainement à ce jeu du 31 qui ne se renouvelle pas, comme les personnages on tourne un peu en rond il faut dire. La mise en scène a tendance à délivrer des situations où l’impact n’est provoqué que par des codes de série B très communs, et ce malgré des tueurs hauts en couleurs, à un moment on veut voir autre chose ou qu’un bouleversement nous sorte de l’ennui, j’aurais aimé que Zombie se lâche complètement à créer par exemple des morts improbables, faire voler des lambeaux de chair, ajouter une loufoquerie jubilatoire, mais tout reste assez léger, à se demander si la censure n’est pas passée par là (?). Heureusement le second souffle est trouvé avec le retour au premier plan du psychopathe de l’intro pour la dernière demi-heure, c’est vraiment lui qui sauve le film, prouvant que l’écriture manque de consistance et surtout d’ironie, sur le thème du cirque type grotesque il y avait moyen de faire quelque chose de tordu, tout en gardant évidemment sa marque de fabrique crasseuse, c’était à mon avis le film qui aurait pu lui faire franchir un palier, dommage. Surtout que, comme rarement dans sa filmo, la fin est très réussie, ce plan de face à face génial, en fait je crois que les meilleurs séquences sont celles d’intro et d’outro, au milieu on a un long métrage assez banal en définitive, sans être foncièrement mauvais mais décevant, surtout vis à vis du talent du bonhomme.


31 se place donc dans la carrière de Rob Zombie comme un coup d’épée (ou plutôt de couteau) dans l’eau, un survival semblant puiser son inspiration dans le cinéma de genre indépendant, sans grande surprise voire un tantinet suffisant, on était en droit d’attendre quelque chose de beaucoup plus fou, proportionnellement à l’exigence envers son statut de cinéaste si singulier, l’horreur a besoin de types comme lui mais lui a aussi le devoir de faire avancer l’horreur, et le plus rageant c’est qu’on sait tous qu’il en a les capacités. Je retiendrais surtout la performance de Richard Brake en psycho-clown terrifiant, personnage qui aurait sans doute mérité une présence plus importante, j'aimerais d'ailleurs qu'il revienne dans un futur projet de Rob, même pour une courte apparition, histoire de dégainer ses lames et me faire retrouver le sourire.


On repassera …


PS : La bande son est parfaite comme d'hab.

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le 19 sept. 2016

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JimBo Lebowski

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