Bon, la presse était unanime, c’est le Godard qui remporte la mise, et elle n’avait pas tort. Je pense que c’est pour ça que la plupart des gens vont aller voir le film (c’était aussi mon cas). Enfin, je ne connais Greenaway que de nom, et pas du tout Pêra. Forcément ça n’aide pas. Et le fait que les deux présentent en premiers ne joue pas en leur faveur, parce qu’on est tellement dans l’attente du Godard que le reste nous paraît anodin.
Après c’est un film à sketch, et le problème de ce genre d’exercices c’est que tous les courts métrages ne peuvent pas se valoir. Là aussi c’est inégal, mais voyons plus en détail.
Le projet à la base est intéressant, des auteurs qui vont essayer de penser et d’utiliser la 3D pour autre chose que pour des attractions de disneyland et faire sortir des trucs de l’écran pour les envoyer à la gueule du spectateur, comme ça, gratuitement. Evidemment, ça se traduit en terme de copies, parce que pour voir le film au cinéma en 3D, soit il faut habiter Paris, soit il faut se lever tôt.
Le film de Greenaway est peut-être le moins bon des trois. Je vois bien ce qu’il a voulu faire, essayer de reconstituer une page d’histoire avec une vision inédite, celle de la 3D mais pas que. A plusieurs reprises, les décors et les personnages vont se transformer en mots, en paragraphes, en phrases, comme si tout était reconstitué en numérique. Alors ça m’a un peu amusé d’entrer dans ce délire visuel, mais bon, je ne vois pas bien où il voulait en venir avec ce truc. Ça ressemble presque plus à une démonstration technique qu’à un vrai film de cinéma. C’est mieux qu’une attraction du futuroscope, les qualités techniques ne sont bien sûr pas les mêmes, m’enfin, on se trimballe tranquillement avec la caméra dans ces couloirs sans vraiment être captivés ou intéressés par ce qui se passe. Il y a bien quelques textes en anglais qui permet de suivre un peu le fil de l’histoire, d’ailleurs c’est étonnant que la copie française contienne si peu de sous-titres, surtout qu’ils interviennent à un moment qui n’est pas plus intéressant qu’un autre, en plus ils s’intègrent assez mal avec la 3D. C’est pas un mauvais court-métrage, mais tout cela me semble un peu vain, à la rigueur faire quelque chose de très expérimental avec la 3D, pourquoi pas, mais y rajouter une histoire, des symboles, un côté « documentaire historique », je trouve que le mélange ne fonctionne pas totalement.
Le deuxième court est déjà plus amusant, une sorte de réflexion sur les personnages de fiction, leur côté réel ou fantasmé, le fait qu’ils veulent avoir une existence propre. C’est une mise en abyme assez sympa, techniquement surprenante, mais là encore la comparaison ne tient pas avec le suivant.
Car là débarque le Godard, et le film vaut clairement pour ce segment. C’est quelque chose de tellement fort, de tellement beau et poétique, c’est magnifique. Je connais extrêmement mal Godard, j’entame à peine sa filmographie, mais ce petit film confirme qu’il reste le plus grand cinéaste en activité. Mettre ses deux canons côte-à-côte et face à nous, comme si c’était des yeux humains, ça a quelque chose de fort. Après, si ses réflexions sont assez passionnantes, j’avoue que je n’ai pas vraiment cherché à comprendre tout, loin de là, je me suis juste laissé bercer par ses phrases d’une beauté à chialer, et par ces images de films. C’est vraiment très beau et ça donne follement envie de mordre à pleines dents dans sa filmographie.
Film inégal, bâtard, mais rien que pour le troisième segment ça vaut le coup.