C'est toujours particulier de voir un film qu'on vous évoque unanimement comme un chef d'oeuvre. On rentre dedans avec une certaine prudence. J'ai du par exemple me faire à cette diction, des dialogues posés et littéraires, très soutenus, l'image qu'on veut nous donner d'un couple âgé, bourgeois et digne.
C'est ensuite un huis clos magistral. L'appartement, fouillé dans ses moindres recoins, nous offre une succession de tableaux très étudies. Haneke privilégie souvent le plan large, donnant à voir les deux personnages qui se font face, sans qu'on puisse en favoriser un, avant que le handicap et l'alitement ne changent la donne.
Tout est lent, tout coule (de nombreux plans ou d'éléments sonores mettent en valeur l'eau), l'intérieur devient l'univers des protagonistes, dans lequel on vient à eux, incrédules, d'un extérieur qui ne peut pas prendre la mesure du chemin vers la mort.
Les passages les plus forts sont sans doutes ceux-là : la visite des vivants. Huppert, ou l'ancien élève de piano, cette position inconfortable de celui qui se croit encore modestement immortel et va jusqu'à maladroitement demander ce qu'il peut faire, voire exiger d'avoir un rôle à jouer.
Seul accès à l'extérieur, la musique, rare et toujours insérée au récit, et les tableaux, fenêtres figées et natures mortes sur le monde muséifié.
Trintignant est l'incarnation de la dignité, à la fois remué et déterminé quant à son rôle de mari. Riva nous met face à l'indicible de la maladie et nous renvoie à notre impuissance tragique.
Haneke nous propose une progression assez singulière dans sa filmographie. Depuis Le ruban blanc, l'épure et le silence deviennent d'une grande densité et lui réussissent très bien.