Les vertus de ce film de survie sont responsables de sa platitude. Le tournage en Islande au plus près des conditions rapportées est naturellement bénéfique, le dépouillement plaide pour sa cause. Seul le présent compte et seuls les actes parlent. Le son est la partie la plus immersive, les 'conflits' et imprévus manquent. Arctic ignore l'excès ou le pathos. Son protagoniste n'éprouve pas d'amour mais de l'attachement, de l'espoir, une amitié semble envisageable.
Malheureusement en disant le minimum Arctic n'en inspire pas beaucoup plus. Le pari relevé de se frotter à la violence du désert, des tempêtes glaciales et de l'isolement lui fait honneur sans le rendre riche, intense ou profond. Car pour le reste Arctic n'est pas si téméraire. Les dilemmes et les horreurs potentielles sont évacués d'office, ou bien tempérés et mis à distance au point d'être évanouis (l'état du second pilote lors de sa découverte restera obscur). Le spectateur est invité à sentir la nécessité ou l'opportunité du sacrifice de l'autre, dans une moindre mesure l'accrochage à cet autre, tout aussi égoïste mais mieux défendable.
Dans tous les cas pas de place pour la gratuité, celle de la cruauté ou des sentiments ; la contrepartie c'est que nous sommes comme des pseudo-scientifiques en train d'observer une pseudo-fourmi se débattre, en lui prêtant de l'intelligence et de la détermination, tout en se gardant méthodologiquement de lui attribuer quoique ce soit d'autre. D'où l'impression d'une fermeture un peu fausse, prétexte à une pudeur stérile (peut-être car on ne saurait afficher dans des positions sérieusement gênantes ou crues un acteur désormais sur-hypé à la façon d'une star pour jouvencelles).
La raison de ces béances est toute trouvée : les intempéries et la survie sont plus importantes que les cas de conscience, les personnes ou la psychologie. Néanmoins le scénario aurait gagné à être étoffé, ou simplement le quotidien. Au moins cela réduit à zéro le risque de s'égarer dans l'idéalisme abstrait d'un Tu imagines Robinson, ou de se compromettre avec le charme et le romantisme d'Un homme parmi les loups (une robinsonnade où la contradiction existe). Rien de ces grandes et éventuellement belles vibrations au programme. Rien non plus n'est servi de l'invraisemblance ou de la guimauve d'un The Revenant, ni de l’héroïsme miteux (ou souterrain) des prétendus 'coups de poing', souvent esthétisants (de 127h à Esssential Killing). La résistance à la faim d'Overgard est le seul point litigieux, car même si cette sensation est dopante, prolongée elle affaiblit. La Mort suspendue reste préférable de loin pour trouver du substantiel, authentiquement factuel et réaliste.
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