Requiem for a team.
Ecoutez plutôt : C’est un petit rythme sec, 6 coups narquois, méchants comme les 70’s en train de mourir. Un assénement teigneux, qui ponctue le ballet des voitures et le silence des gangsters...
le 1 oct. 2015
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Alerte : Article de fond. Il utilisera Assault on Precinct 13 pour illustrer son propos.
La magie est l'art de divertissement le plus pertinent pour exposer le principe "d'expérience vs objet". Ce type de média est tellement caricatural qu'il permet de vulgariser les propos complexes de Dunslim sur le jeu.
Sauf que c'est pas ça le jeu. Ça c'est une conception matérialiste et fonctionnelle du jeu. Le jeu est un phénomène qui naît à l'intérieur même du joueur, pas dans l'objet auquel il se confronte. Le jeu est un événement SUBJECTIF (tous les grands penseurs du jeu l'ont défini ainsi, il se trouve que je m'accorde avec eux)
Ce que nous dit Dunslim (à raison), c'est que le jeu est l'expérience que créé le magicien avec son tour de magie (celle qui émerveille petits et grands), et non l'objet, la manière dont le tour de magie est conçu.
Je maîtrise un tour de magie qui émerveille tous les petits enfants que je croise, qui émerveille un assez grand nombre d'adultes mais qui ne fonctionne pas sur les personnes qui ont une connaissance des mathématiques -légère- et un (léger) sens de l'observation.
En effet, mon tour de magie repose sur la dicotomie. Je ne devine pas les cartes mentalement, je ne fais que les trier. L'expérience illusoire que je cherche à faire vivre à mon spectateur trouve ses limites dans le caractère constitutif de l'objet que j'ai créé. Tout individu ayant une connaissance des mathématiques et qui prête attention à la manière dont je distribue les cartes s'exclu par lui même de l'expérience "tour de magie de StandingFierce" et est condamné à vivre l'objet "tour de magie de StandingFierce". Celui qui n'a rien d'intéressant, car la magie ne trouve son intérêt que dans son expérience.
RoboCop est le film qui m'a marqué très jeune. J'avais 10 ans, je l'ai regardé en VHS chez un ami qui l'avait volé dans la vidéothèque de son père. Un film ultra violent, un film sombre, un film cyberpunk. C'est mon premier film cyberpunk et toute son imagerie a traumatisé mon esprit. L'expérience à laquelle Verhoeven m'a soumis à l'époque était sans commune mesure, et très différente de celle qu'il m'a fait vivre plusieurs années plus tard. L'aspect satirique, l'aspect désabusé, l'aspect caricatural, l'aspect politique, l'aspect biblique. RoboCop regorge d'expériences et pourtant RoboCop n'invente rien, et RoboCop ne brille pas en tant qu'objet cinématographique.
Torpenn est capable de s'émerveiller devant StarWars, de profiter pleinement de l'expérience StarWars mais pas de celle de RoboCop. StarWars n'invente rien, à l'instar de RoboCop, mais Star Wars brille en tant qu'objet cinématographique. Choix des plans, choix des paysages, rythme de la narration, exposition des personnages, des enjeux, etc, etc.
Torpenn a une connaissance cinématographique trop avancée pour ne pas voir, entre autre, que Verhoeven a tourné RoboCop dans une décharge. Il a beau faire tous les efforts du monde pour tenter de vivre l'expérience RoboCop, son cerveau lui communique que Verhoeven est un bourrin jusque dans la réalisation de son expérience ce qui brise "le tour de magie".
Contrairement à la magie, le Cinéma peut définir son expérience au travers de son objet. Plus j'apprend sur le cinéma, plus j'apprend à aimer Star Wars (que j'ai toujours détesté) et plus j'apprend sur le cinéma, plus le caractère objet viens prendre un pas important sur la qualité de l'expérience que je vais vivre.
L'observateur influe sur l'objet observé et modifie son expérience.
J'ai découvert ce film bien après RoboCop car ce que j'aimais à l'époque c'était le cyberpunk, les films d'anticipation, les futurs désabusés. Et Carpenter réussi à merveille à nous faire vivre cette expérience à travers AOP13, tout comme Verhoeven avec RoboCop.
Alors j'ai regardé de nombreux films cyberpunk comme The Matrix, comme Dark City, comme Existenz, comme Nirvana, comme Blade Runner comme Strange Dayz et comme Johnny Mnemonic. Bizarrement, quand je regardais ces films, tous me proposaient le même genre de thématiques, tous les traitaient plus ou moins intelligemment, mais aucun n'arrivait à reproduire cette sensation que RoboCop ou AOP13 m'avait transmise.
C'est alors que je rencontrais un gars qui m'a dit ça :
RoboCop et AOP13, c'est des western !
Je lui ai répondu que je n'aimais pas les western à part "le bon, la brute et le truand". Le gars m'a dit : la sensation que tu recherches (à l'insu de ton plein gré), c'est les western. Regarde Rio Bravo, La Prisonnière du Désert et tu verras "la lumière". Et effectivement, la lumière fût. J'adore les westerns, bien plus que les films cyberpunk.
Verhoeven et Carpenter n'ont rien créé avec RoboCop ou Assault on Precinct 13. Ils ont réussi à trouver un moyen pour faire adhérer un esprit fermé/naïf (comme le mien) à l'intérêt du western en créant une expérience nouvelle. Est-il malhonnête/abusif de qualifier RoboCop ou AOP13 de Western ?
Ce n'est que le rapport "objet/expérience" qui pourra trancher cette question. L'expérience d'AOP13 n'est pas du western, mais sa construction relève du western.
La grande finale de Top Chef est toujours la même. 100 consommateurs et 4 chefs goûtent des plats. Les chefs ont très souvent un avis opposé à ceux des consommateurs sur la qualité des plats. Les consommateurs jugent l'expérience, quand les chefs cuisiniers sont complètement parasités par leur connaissance du design de l'objet culinaire.
Quand un consommateur goûte une sauce, il la qualifie par son goût et par la précision de l'assaisonnement vis-à-vis du plat.
Quand un chef goûte la même sauce, il voit également toutes les techniques employées pour constituer cette sauce et ça affecte son expérience. Les saveurs vont prendre un autre sens dans sa bouche. L'astuciosité du candidat, sa technique ou sa simplicité élégante, tout ça va affecter le jugement du jury, à l'insu de son plein gré.
Tout comme Torpenn, tout comme mes spectateurs mathématiciens, un chef cuisinier ne peut pas vivre l'expérience telle qu'elle a été conçue, il est condamné à vivre l'expérience à travers son objet.
Il est naïf de croire qu'on ne vit les oeuvres qu'à travers les expériences telles qu'elles ont été pensées par l'auteur. Il est important de comprendre que certaines oeuvres ne brillent pas par leur inventivité mais que leurs génies résident dans le fait de permettre à des gens de s'ouvrir à des choses. AOP13 est perçu par nombre de cinéphiles comme un sous Rio Bravo. The Matrix est perçu par nombre de spectateurs comme du sous Platon.
To me, Bayonetta, DMC, c'est des sous AvP. Sauf que jamais je n'ai tenu de tel propos, car ce serait réducteur comme vision. J'ai dorénavant conscience de pas mal de choses grâce à SensCritique, et je pense que The Matrix et AOP13 (tout comme DMC et Bayonetta), permettent non seulement à celui qui ne connaît pas "les oeuvres fondatrices" (pour n raisons) de s'ouvrir à elles, mais sont également des expériences uniques à part entière avec leurs propres plus-value culturelle.
Carpenter, Verhoeven, les Wachowski ne sont pas des génies créatifs, ils repompent comme des sagouins (du point de vue objet), et traitent certaines thématiques avec une grossièreté qui peut paraître insultante. Néanmoins ils ont l'art de créer des expériences nouvelles et c'est ça qui importe comme le disait Dunslim.
Sauf que c'est pas ça le jeu. Ça c'est une conception matérialiste et fonctionnelle du jeu. Le jeu est un phénomène qui naît à l'intérieur même du joueur, pas dans l'objet auquel il se confronte. Le jeu est un événement SUBJECTIF (tous les grands penseurs du jeu l'ont défini ainsi, il se trouve que je m'accorde avec eux)
Comprend qui pourra.
Créée
le 14 juil. 2015
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