Une baudruche à gros potentiel (en terme de style, d'ambiance et de message)

Une tarantinade tiers-mondiste, assez originale et flattant l’œil, creuse comme un cartoon mais sans la surcharge en vitamines. Pour ne pas écorner le doux rêve communautaire et libertaire, on ignore les contradictions, on ne sonde rien, les personnages restent scotchés au gros tracé du départ. C'est qu'à être conséquent on aurait l'air d'un Village bis destiné aux épris de permaculture, or pour un Punishment Park sans le courage de ses convictions ça serait embarrassant. Aussi c'est brave de ne pas s'attacher à un 'héros' car sûrement la notion est trop bourgeoise ; sauf que si c'est pour faciliter l'idéalisation des individus et d'une communauté en cartons, les gains ne sont pas évidents (on devrait ajouter 'contrairement aux occasions manquées' mais ce serait probablement faux ici).


Dès que le mystère est un peu défloré, c'est-à-dire pendant les apparitions des motards aux costumes multicolores, c'est le dégonflage ; et d'ailleurs, les compléments à venir seront quasi nuls. Bacurau tient grâce à ses qualités d'ambiance et d'imprégnation, mais sa vision est statique. Au maximum, il dément une première apparence : la doctoresse passe pour folle du village à l'arrivée, puis on se rend compte qu'elle était simplement altérée par les circonstances exceptionnelles. Lesquelles précèdent tout sauf une intrigue à tiroirs : Bacurau a des gueules baignées dans des décors splendides, mais rien à raconter. Même sur le plan politique il est pauvre, avec ce qu'il faut pour être investi par les fantasmes et les débats mais pas la réciproque. Malgré les récents progrès de la pensée, affirmer une préférence en injectant quelques portions de satire et présenter une histoire puissante avec une alternative crédible ne sont pas encore la même chose ! Mais il faudrait vouloir défendre ses principes et son regard, comme le faisait Je ne suis pas un homme facile – à la place on tombe du côté d'Us, sans la lourdeur du discours et donc en laissant davantage les images faire leur travail.


Tout dans la présence, zéro dans la substance, tout dans la posture, rien en profondeur. Or il faut occuper l'espace et les deux heures ! Alors : regardez mon Lunga ! Oh que Lunga est fort beau et ténébreux, mais serait-ce un matador efféminé sans être châtré ! Du moins, en tant que Rambo local et en se concentrant sur le haut, il est crédible ! Après s'être crus chez Walter Selles on débarque dans un de ces films pour cour de récré japonaise. Bacurau joue à fond la carte du pittoresque mais doit bien en sentir les limites, alors régulièrement il essaie lamentablement de nous choquer. De préférence, en pressant sur l'émotionnel, mais tout en souhaitant nous garder de son côté donc en restant aimable sinon 'fun'. Alors on sort l'artillerie ultime : le meurtre d'enfant ! Le spectateur s'en remettra peut-être rapidement, mais c'est une autre affaire à l'écran. Un des vacanciers est choqué, ce n'était pas dans le contrat ! Pourquoi la ramener plusieurs fois là-dessus ? Y a-t-il quelque chose à dire ou déduire et si c'est le cas, pourrait-on y aller ou simplement étayer ? Les auteurs souhaitent nous montrer que les méchants ont leur éthique mais toujours partielle et vaseuse, personnelle et partiale ?


Probablement, mais empiler des scènes débiles semble plus sûr que développer quoique ce soit qui pourrait un peu nous faire dévier de cette route sur laquelle on aime tant piétiner. Attention aucune scène n'atteindra le niveau d'inconséquence et de niaiserie que celle sous la tente, alors savourez ce moment où Udor Kier se fâche car il est assimilé à un nazi. Ohlolo les clichés qui sont le début de la haine et de la barbarie – eh oui c'est toute l'ironie de l'adresser à un nazi ! Vous l'avez, le grabataire au fond, la morue à boucles géantes devant, les bourrus et les ruminants au milieu, on est bon, la lumière est entrée ? Non parce que ça demandait un esprit un peu vif, alors la scène est un peu longue à se mettre en place afin de vous aidez à imprimer, donc si quelqu'un sortait de salle sans se sentir amélioré dans son feeling pro-minorités oppressées ce serait ballot : on aurait juste fait un film de clowns sans s'assumer !


Bacurau c'est une succession de trucs qui doivent et qu'on laissent arriver, on fait monter la sauce, y a rien à entendre mais on insiste, puis 'pan' et 'cut'. L'attente est décemment meublée, grâce au seul style, à cet univers qui à défaut d'éclore est tout proche. Mais il y a de quoi s'impatienter tout le long de la seconde moitié, qui n'en finit pas de brosser et survoler pour finalement juter une grosse décharge 'western'. En bonus : de funestes présages pour éviter de remballer trop platement. En somme ce cousin indé d'American Nightmare va directement au crash et à la démagogie sans passer par les grosses bouffées d'inspiration et les tâtonnements : dommage que les courts-métrage engendrent rarement des 'phénomènes de société'.


https://zogarok.wordpress.com/2019/09/27/bacurau/

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le 27 sept. 2019

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