En prenant pour exemple un petit village du Nordeste du Brésil disparaissant des cartes, sans réaction du monde ni vraiment de ses habitants, confrontés depuis toujours à une certaine solitude, Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles signent un brûlot politique tout autant plaisant qu'inquiétant par sa radicalité, tant il impose à nous interroger sur notre propre vision de ces contrées éloignées, sur les solutions des plus démunis à la dictature des élites, et à en cerner l'urgence, quel que soit le pays.
Avec Aquarius Mendonça Filho brossait déjà le portrait d'un pays en déliquescence, où le combat d'une femme pour préserver son mode de vie et la mémoire de son quartier était soumis à diverses fluctuations. Ici encore tout semble soumis aux volontés de puissances invisibles. Visionnaire peut-être, en tout cas il aura anticipé un gouvernement dictatorial à l'œuvre aujourd'hui et en rajoute une couche sur la main mise des US sur les pays du Sud. Le cinéaste continue son portrait d'un pays qui se dirige de plus en plus dans le déni de l'individu, et ouvre son récit sur une communauté entière, remplaçant la ville par les contrées sauvages du Sertão, mettant en lumière l'environnement et les ressources par les enjeux à venir sur la problématique de l'eau.
Passant de la fable, au western horrifique, une ambiance faussement tranquille, lumineuse et baroque, et où les traditions perdurent, sous psychotropes la plupart du temps, venant adoucir la misère de cette communauté abusée. En prise avec un Préfet véreux, symbole de la corruption, tentant d'acheter son élection par la mise à disposition de denrées périmées, à défaut de les abreuver, une bande de touristes et leur vision d'un monde meilleur en mode safari, vient rajouter à la crise.
Mais le retour au bercail d'un bandit venu leur prêter main forte va précipiter l'intrigue et la rébellion va donc s'imposer naturellement comme seconde nature oubliée. Viendra alors, dans l'urgence pour la survie, le moment de ressortir les armes. Le musée du village, vestige oublié des insurrections passées, sera de nouveau le témoin du réveil guerrier.
Si on regrette un manque de profondeur des agresseurs et de leur motivation, et un excès de leurs comportements, ce récit dystopique qui joue des ruptures de rythme et de ton, de quelques images hors du temps, et d'un suspense finalement bien mené, procure un plaisir curieux entre décalage en première partie, et action franche dans la seconde, avant un duel final en mode défouloir, que l'on appréciera (ou pas).
A découvrir.