Best Friend
7.4
Best Friend

Court-métrage d'animation de Yi Shen, Juliana de Lucca, Varun Nair et David Feliu (2018)

C'est aux élèves de l'école des Gobelins à qui nous devons le très réussi Best Friend, court-métrage qui nous projette dans un futur réaliste dans lequel l'intelligence artificielle occupe une place prédominante dans notre vie sociale.


Les références y sont nombreuses. Pour ma part, j'ai immédiatement pensé à Her à la différence prêt qu'Arthur, le protagoniste principal de Best Friend, peut entendre mais également voir ses amis virtuels. Partant, le rapprochement avec Blade Runner 2049 se fait naturellement puisque, à l'instar de l'agent K, on sent très vite qu'Arthur éprouve des sentiments pour ses comparses impalpables, particulièrement pour la belle Cami. En outre, on peut également faire allusion au petit thème musical joué lorsque le programme est relancé, détail que l'on retrouve également dans le film de Dennis Villeneuve. Une nuance doit cependant être apportée puisque, ici, seul le propriétaire du dispositif est en mesure de voir ce que lui montre l'application. Cela est souligné le temps d'un plan où Arthur chante tout seul dans son salon alors que, de son point de vue, il est entouré de ses amis.


Dans une moindre mesure, Best Friend m'a fait penser à Looper avec l'utilisation des gouttes pour recharger la batterie de la puce. Ce système de recharge est pertinent puisque l'expérience offerte par cette dernière est avant tout visuelle (j'apprécie particulièrement le passage où Arthur, qui fête alors son anniversaire, cligne des yeux car il donne l'impression que ses amis peuvent disparaître instantanément). On notera ici la simplicité mais surtout l'efficacité du logo de Best Friend qui représente un œil dont la pupille a la forme d'une goutte. Enfin, une fois qu'Arthur se soit fait agressé et volé le dispositif si cher à ses yeux, celui-ci se retrouve complètement perdu au milieu d'une foule de gens qui ne le voient presque plus, comme s'il était passé de l'autre côté du miroir : cela m'a rappelé le final de The Congress dans lequel une drogue plongeant les gens dans une réalité alternative animée s'est répandue à travers le monde. Une fois les effets dissipés, le masque tombe et l'Homme apparaît tel qu'il est : un zombi se tenant debout, inerte et inexpressif, complètement aveuglé par ce qui l'entoure. Si cela n'est pas aussi marqué dans Best Friend, je n'ai pas pu m'empêcher de faire le rapprochement avec le film d'Ari Folman en raison de cette réalité duale que l'on retrouve dans les deux films. Le désarroi d'Arthur, qui se retrouve au milieu de cette foule connectée et pourtant de plus en plus renfermée sur elle-même, est patent, comme si le fait d'avoir perdu la puce électronique avait eu pour conséquence de le conduire dans les limbes, une autre dimension dans laquelle les gens autour de lui semblent inaccessibles.


Mais il est également possible de soutenir qu'au fond, Arthur n'est pas effrayé par le fait de se retrouver seul au milieu de personnes en chair et en os mais par le fait de se retrouver seul, sans Cami et sa bande surréaliste. Pourtant, c'est à cause de sa copine numérisée qu'il se retrouve perdu. De plus, juste avant l'incident, Arthur réactive sa puce, ce qui a pour conséquence de l'empêcher de voir l'arrivée de l'agresseur, qui peut être, au passage, assimilé à un zombi pour revenir sur ce qui est dit plus haut. Par ailleurs, un scénario similaire semble tout à fait plausible à l'heure actuelle avec les téléphones portables qui monopolisent toute notre attention à chaque instant. Le côté pervers du programme est accentué par le fait que juste avant que l'agresseur entre dans le champs de vision d'Arthur, Cami le rassure en lui disant "I'm not going anywhere, we are your friends" mais est bien incapable de le protéger lors de l'attaque.


Néanmoins, cette soirée n'a pas servi de leçon à Arthur, qui décide finalement de réinstaller une nouvelle puce, rendant le propos du film d'autant plus réaliste, et ce à double titre : l'Homme, d'une part, n'apprend pas de ses erreurs et, d'autre part, devient dépendant du superficiel et ne peut concevoir sa vie sans les nouvelles technologies. Concernant ce dernier point, il peut être décelée une autre critique faite par le biais du personnage de l'agresseur qui semble être doté d'un ancien modèle de la puce : depuis quelques dizaines années maintenant, un nouveau phénomène de mode, tenant à ce qu'il faut mettre la main sur le dernier modèle de portable et faire la dernière mise à jour pour être dans le coup, n'a cessé de prendre de l'ampleur. Si on ne s'adapte pas, on est laissé sur le carreaux. Et c'est justement ce qui arrive à celui qui s'en prend à Arthur afin de récupérer sa puce. Le nombre de cicatrice du pauvre diable peut d'ailleurs laisser à penser qu'il n'en est pas à son premier modèle.


Je terminerais en disant, qu'en plus de donner à réfléchir sur notre société actuelle et future, Best Friend profite d'une très belle animation (les paysages et les décors intérieurs sont particulièrement réussis) ainsi que d'une bande son qui se veut discrète mais qui ne doit pas être pour autant négligée (mention spéciale pour l'effort d'avoir écrit une courte chanson pour l'occasion) : un court métrage qui vaut le détour ! 8/10 !

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le 26 nov. 2018

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vic-cobb

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