En Allemagne il existe un cinéma particulier qui offre des séances tardives le vendredi soir : les "sneak preview". Le concept est simple : on ne choisit pas le film et on découvre ce qu'on vient regarder dans la salle obscure au moment où le film démarre. Petite précision : celui-ci n'est pas encore sorti ! C'est ça la sneak preview.
De mon côté je n'avais jamais (prière de ne pas juger) eu la chance de voir un film des frères Cohen. Quelle meilleure occasion de voir une de leurs oeuvres sans savoir que c'en est une ? De découvrir à la fin qu'ils en sont les scénaristes et George Clooney à la réalisation ?
Bienvenue à Suburbicon c'est un film qui met dans l'ambiance dès le début.
On appréciera la petite intro façon portal / fallout très années 50.
On se retrouve vite plongé dans la vie de cette famille américaine classique (famille Lodge) dont les nouveaux voisins - premiers afro-américains de la ville - sèment le trouble dans cette utopie dystopique conservatrice américaine par leur simple présence. Le film nous laisse croire que son sujet central est donc l'arrivée de cette nouvelle famille afro-américaine en ville, soit encore un film porté sur le racisme et la ségrégation aux US. Sauf que voilà, tout ne se passe pas comme prévu ...
Madame Lodge se fait assassiner assez rapidement dans une scène où l'on sent bien que quelque chose ne tourne pas rond. Sa sœur la remplace alors comme mère de famille auprès de son beau-frère Mr Lodge (Matt Damon) et de son neveu le jeune Nikkie. On se rend très vite compte que le meurtre avait été prémédité par le mari Mr Lodge. La suite de l'histoire est une escalade sans fin jusqu'à ... non même dans la rubrique spoil je ne peux pas tout dévoiler !
Pourquoi ce film est un bon film ? L'histoire que l'on pourrait croire au début être l'histoire principale (arrivée de la nouvelle famille afro-américaine) est en fait un énorme leurre aussi bien pour le spectateur que pour les personnages du film. Toute la véritable intrigue est complètement occultée par l'accueil raciste des habitants de Suburbicon pour leurs nouveaux-venus.
Mais le tour de force de ce film est de montrer par de très habiles montages en parallèle que ces deux intrigues suivent exactement le même crescendo vers la folie. Je n'en dit pas plus pour ne pas gâcher au spectateur le plaisir de se laisser porter par ce film sans but apparent, à part peut-être de nous montrer que la bêtise humaine (oui vraiment bêtise car certaines scènes, malgré des accès de violences versent finalement tragiquement dans le registre du comique) n'a pas de limites...
Un véritable requiem de la dégénérescence !