Assistant-réalisateur, acteur secondaire, quelquefois même scénariste, Michele Soavi est un peu l’homme à tout faire du bis transalpin pendant les 70-80’s, jusqu’à ce que l’un de ses mentors, Joe d’Amato (Blue Holocaust, Anthropophagous), lui confie les rênes d’un script de Luigi Montefiori, grand monsieur du western spaghetti tendance goreux. Alors que le giallo a entamé sans prévenir l’ère de la décadence, Soavi prend l’étonnant parti de dynamiter celui-ci par les principes du slasher, genre essentiellement américain.
Une troupe d’acteurs soumise aux fantasmes débridés de son metteur en scène prépare une comédie musicale mettant en scène les pérégrinations d’un tueur de prostituées planqué derrière son gigantesque masque de hibou. Lorsqu’un membre de l’équipe est assassiné par un véritable serial killer réputé pour découper ses victimes [féminines, on est en Italie] en morceaux, le cynique dandy Peter saisit l’occasion de faire le »buzz » et entreprend quelques modifications à son spectacle.
Dans cet épilogue criard et savoureux, déjà les manies du giallo et son fétichisme surabondant sont renouvelés par une approche moderniste, quoique d’un kitsch manifeste aujourd’hui [les ténébreux synthés de Simon Boswell ont chassées les divas fiévreuses, l’esprit est celui d’un face-à-face entre Fame et le mythe du Fantôme de l’Opéra]. Lorsqu’échappé de sa cellule, Wallace investi le théâtre pour en faire son terrain de jeu, Bloody Bird [titre français : Deliria en Italie, StageFright aux USA – symptomatique, là encore, du bis italien] se mue en survival esthétisant.
Le lieu de représentation se soumet aux impératifs du psychopathe, metteur en scène de son propre espace mental à base de tableaux humains – grandeure nature (morte). Soavi trahit son intrigue-prétexte pour y greffer un dispositif minimaliste sur le papier [car concentrationnaire – unité de temps et de lieu quasi absolues] mais qui, dopé à l’imagination et une extravagance de tous les instants, fait s’enchaîner les séquences monstrueuses. Comme si les artifices prenaient vie : le théâtre dévore des comédiens littéralement réduits à l’état de jouets [la représentation, elle, n’est que l’éponge des visions de ses chefs-opérateurs].
Ce premier film de l’auteur culte [son futur Dellamorte Dellamore est un épatant OCNI sur le moribond marché du zombie] est surtout un gigantesque exercice de style. Il occulte totalement sa modeste condition [piètre budget, acteurs inconnus] par un lyrisme macabre et la puissance de ses visions horrifiques. Palimpseste de l’héritage d’Argento en même temps que mariage insolent des vierges de Suspiria avec Michael Lyers (Halloween), Bloody Bird assimile parfaitement les notions de chacun : il est suave et élégant, médite sur la poésie du grand-guignol ; il est tapageur et efficace, ne freine jamais ses ardeurs. Haute tension et voluptueuse émotion plastique : une petite merveille exaltée entre deux mondes.
https://zogarok.wordpress.com/2015/04/16/bloody-bird/