Le syndicat du crime
Fin des années soixante-dix, le scénariste phare du nouvel Hollywood se lance dans la réalisation après avoir écrit pour Scorsese (Taxi Driver), De Palma (Obsession) et même un peu Spielberg...
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le 3 août 2013
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De l’Amérique, on est habitué à la distinction très nette de deux univers, surtout depuis l’avènement du Nouvel Hollywood : les élites et les rebuts, les officiels et les malfrats. La question de la masse ouvrière semble être finalement restée très européenne, même si Ford, notamment dans Quelle était verte ma vallée, aura su se pencher sur elle.
Schrader a su, pour les autres, se pencher sur la deuxième catégorie, notamment dans les scenarii qu’il écrit pour Scorsese, de Taxi Driver à Raging Bull. En passant derrière la caméra, il prend à bras le corps la classe laborieuse, celle dont le quotidien est tout sauf romanesque.
Son film, qui prend le temps de donner corps à cette routine insupportable, est donc en premier lieu teinté d’un naturalisme bienvenu : la pénibilité, la chaine déshumanisante lestée d’un blues répétitif et aliénant.
Nulle quête à l’horizon : chaque étape supplémentaire semble un clou qu’on plante dans le quotidien des ouvriers. Nul angélisme non plus : acculé, à cran, ils sont aussi infidèles et portés sur les psychotropes, tant leur quotidien est le miroir de leur échec.
Dans cette chronique sociale qui cherche à chaque séquence à dénoncer, au point de rendre un brin étouffante la démonstration, Schrader se distingue par une volonté de dénoncer l’ensemble des responsables : les patrons, certes, à l’image ce manager dont la tâche consiste à harceler les manutentionnaires, mais aussi et surtout les syndicats.
Deux camps s’affrontent : les tenanciers du système qui œuvre discrètement au maintien de son inertie, et les pauvres insectes qui pensent, un temps, pouvoir en ébranler les fondements : l’indignation le dispute ainsi à la pitié, dans un jeu aux règles éculées, fondées sur la corruption humaine. Seul le décompte des voitures construites, grand panneaux lumineux sur la ville, semble rester imperturbable.
De braquage en manipulation, de paranoïa en dénonciation, la bande des trois qui semblait nous proposer un exemple rare de mixité raciale tombe sous les fourches caudines. Car la question du racisme est un des autres éléments centraux du film : portée par deux comédiens en pleine forme, l’un à la violence rentrée (Yaphet Kotto), l’autre au verbe truculent (Richard Pryor), la bande entoure un Harvey Keitel qui opte pour une certaine mesure, afin de rendre prégnant son étouffement.
Si le récit peut sembler un peu long par moments, voire, au départ, une suite de scénettes, son implacable gradation vers un final suspendu particulièrement efficace : en caractérisant des personnages avant d’en révéler la versatilité, Schrader dévoile la redoutable et machiavélique intelligence du système : exploiter l’homme par où il pêche (la vénalité, l’orgueil, la soif de pouvoir, le désir de revanche), et diviser pour régner.
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le 29 juin 2016
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