Il était une fois un marginal goguenard vivant dans sa voiture et s'incrustant chez les gens en cas de besoin. Dwight est un asocial mais envers lequel le monde n'est pas hostile, tout au plus hébété et absurde comme lui. La flic le connaît et est très bienveillante à son égard ; il est plutôt quelqu'un qui a décroché et vivote en haillons, sans aucune attente. Mais aujourd'hui il apprend que Wade Cleland, assassin de ses parents deux décennies plus tôt, sort de prison. Il part pour le tuer.
Démarrant comme un film de vengeance atypique dans la forme, Blue Ruin sera plutôt une descente aux enfers. Une fois la revanche accomplie (très rapidement), Dwight ouve une spirale où toutes les parties prenantes seront des victimes. Jeremy Saulnier ne fait pas de cet homme un héros, mais un type quelconque s'invitant sur des plates-bandes qui le dépasse. Ce n'est pas non plus un tueur badass, un idéologue, ni un expert. Par son côté analytique, Blue Ruin évoque Killer Joe, mais il est dépouillé d'extravagances contrairement à lui et va au bout de l'absence de parti-pris conscient formulé par le film coup-de-poing de Friedkin.
L'orientation objectiviste et explicative a un prix. Blue Ruin se noie dans le témoignage. C'est un compte-rendu trop fourni, dont la profusion de détails et de démonstrations minutieuses a autant de sens que remplir une maison vierge de meubles utiles mais sans valeur ajoutée. Malgré la tentative de dépassement revendiquée, Blue Ruin finit par avoir autant d'intérêt que Joe. Contrairement à ce dernier, il a le mérite de préférer la complexité à la grossièreté quand il s'agit de caractériser des personnages et des situations.
L'autre atout de Blue Ruin est formel également : c'est sa photographie picturale, avec ses éclairages naturels et de très belles séquences à la lisière de l'onirisme. Les spectateurs pourront aussi apprécier l'allégorie de la décrépitude du ''home sweet home'' US. Les éléments sont là mais il faudrait forcer l'interprétation, sans quoi elle tourne court. Si le film se veut une énième dénonciation de la facilité à se procurer des armes dans le sud des Etats-Unis, c'est une bonne béquille, mais il est plus raisonnable de ne reconnaître pour contenance à ce Blue Ruin que ce qu'il exprime explicitement – et avec une redoutable insistance.
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