Chaque instant de Casino donne le vertige. C’est une espèce de tourbillon enivrant, un spectacle total, extrêmement dense (il paraît même infini) et fourni et qui pourtant n’embrouille jamais, car rien n’y est de trop. Rarement trois heures de cinéma n’auront/ne seront passées si vite ; c’est qu’on est tellement transporté qu’on perd une foule de notions rationnelles, à commencer par celle du temps ; Casino est une entreprise grandiose, démesurée et fait disparaître tout ce qui nous entoure. C’est une récurrence dans l’œuvre de Scorsese, dont même des travaux mineurs ou boiteux comme Aviator savent faire preuve d’une capacité d’absorption du spectateur pour le moins singulière (ce qui fait, dans le pire des cas, de Scorsese un technicien génial).
Considéré comme une sorte de remake des Affranchis, sorti cinq ans avant (1990) et comportant en effet de nombreuses similitudes et une envergure comparable, une même puissance, Casino devance pourtant de quelques longueurs son prédécesseur. Ce n’est pas tant qu’il en serait une version améliorée, c’est surtout le propos sur la mafia qui a évolué ; il est moins traditionnel, plus cruel, plus concentré sur les contradictions d’un milieu mais aussi d’un monde. Scorsese filmait les acteurs d’un monde codifié et opulent à mi-chemin entre les coulisses et la scène publique, dans Casino il porte son regard sur une vie parallèle probablement largement fantasmée mais somme toute assez étrange. Pour le personnage incarné par DeNiro à tout le moins ; son prodigieux parcours est le fruit d’une exhibition flatteuse tout en débouchant sur l’édification d’une forteresse.
Casino restera l’une des masterpiece sur le rêve américain, qu’elle traite avec réalisme, faste et outrance maîtrisée.
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