juil 2010:

De plus en plus de voix discordantes viennent faire entendre ici et là leurs reproches sur cette nouvelle série de James Bond. Certaines faisant part d'un manque de retenue dans leur réaction je tenais à me joindre plutôt aux concerts de louanges que ce film a suscité à sa sortie. J'en suis à ma 3e ou 4e revisite et le sentiment de voir là un film révolutionnaire ne cesse de se confirmer. Forcément, quand une aussi vieille franchise se voit autant malmenée, les aficionados un peu mal embouchés font la triste mine, un peu comme des vieillards boudant des pâtes au pesto parce qu'ils sont habitués à les manger avec du ketchup. Pour enrichir son sens du goût il est très important de chercher à bousculer ses damnées habitudes.

Cette réforme du genre s'inscrit dans une large mesure dans un heureux processus de modernisation de la franchise "JB". A nouveau visage, nouveau James Bond et nouveau style. Les deux grands Bond qu'ont été Sean Connery et Roger Moore étaient diamétralement opposés dans leur caractère, leurs attitudes aussi bien que sur le plan physique et cette opposition n'a jamais constituer un péril pour la série, bien au contraire. L'arrivée de Daniel Craig et l'application rigoureuse des canons du film noir sont deux options certes périlleuses, également fertiles en désordres amoureux de la part des fans réacs mais garantissent chez les autres un coup de vent que je crois salutaire.

Avec les technologies et les effets spéciaux actuels, la série avait ces dernières années verser dans une outrance que Brosnan n'est jamais parvenu à rendre aussi fantaisiste que savait le faire Moore par exemple. Sans la virilité, ni la violence de Connery, sans même l'humour, ni la malice de Moore, Brosnan n'a pas trouvé une autre place que celle d'intérimaire, élégant, mais académique, bon élève, pouvant mieux faire.

Le pari Craig est osé : son physique à la Charles McGraw, aérobiqué, le prédisposant lus à jouer l'espion russe, on l'aurait presque mieux vu rejouer le rôle de Robert Shaw dans "Bons baisers de Russie". Finalement, il donne à James Bond une part d'animalité depuis Connery disparue, une explosivité de violence qui se marie bien avec celle que notre société s'est habituée à voir sur les écrans en ce début du XXIe siècle. James Bond entre dans une ère plus violente. Il faut s'y résoudre. James Bond n'est plus le bonbon à la fraise qu'on regardait avec les petits nenfants. Il saigne, il sue, il pleure. A la Churchill.

Avec ce premier opus pour Craig, j'évoquais plus haut le film noir. Je maintiens. Bond est un héros triste, seul, voué à l'être toute sa vie. Il tombe amoureux dans ce "Casino royale", mais on le sait condamné. Amours détruites, destinée toute tracée, aliénation à sa fonction et à la solitude. Quand on suivait une aventure de James Bond, on le savait invincible, tout était facile, a piece of cake. Dans ce "Casino royale", pour Daniel Craig tout est arraché dans la douleur. En enfant écorché vif, il traine une moue presque boudeuse ou arrogante devant une géniale Julie Dench encore plus maternelle qu'auparavant.

Avec toutes ces données, le film entre dans une zone inexploitée. A l'aventure. Il joue avec le codex de l'Aston Martin au Vodka-Martini. Les Bond girls ne sont que deux. Superbe Caterina Murino très vite écartée au profit d'Eva Green très douée. Green est très belle surtout quand elle est démaquillée dans la salle de bains, un peu trop amoindrie par ses couches de Ripolin sur le reste du film mais elle fait preuve sur ses scènes d'une présence et d'une force dans le jeu que l'italienne n'a peut-être pas.

Le scénario plus compliqué qu'à l'habitude nous offre plusieurs méchants à voir dérouiller plus ou moins rapidement. Mads Mikkelsen est excellent dans la froideur comme dans le mystère. Les parties de poker où tells et bluffs se succèdent avec véracité sont palpitantes et mettent en valeur la maitrise du danois.

Je me suis particulièrement enthousiasmé pour les scènes d'action, très spectaculaires et surtout très lisibles (ce qui est loin d'être le cas sur l'épisode suivant "Quantum of Solace"). La poursuite à pied au début du film est en soi un bijou de maitrise de la caméra, et des cascadeurs. Admirable. Ébouriffant. Suspense garanti.

Bref, James Bond a mué et ça fait tout drôle. Mais ça fait aussi surtout du bien. Réveil avec électro choc.
Alligator
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le 13 avr. 2013

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Alligator

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