Voilà où le cancer post-moderne du « second degré » mène, associé bien sûr à la bêtise exaltée et au cynisme, ses deux meilleurs carburants. C'était en 2000 et l'une des bouillies les plus spectaculaires de l'époque. Adaptation d'une série US des années 1970 (Charlie et ses drôles de dames, produit pour ABC de 1976 à 1981), Charlie's Angels est une fantaisie policière pseudo nanardesque, taillée pour être un 'plaisir coupable' luxueux et jubilatoire. Son sens de la débauche est celui des enfants pourris gâtés d'Hollywood. Un dantesque des plus pourris exulte à l'écran.
Produit vulgaire et hideux, bardé de ''sous-entendus'' triviaux, Charlie passe en revue le kitsch de son temps, des deux décennies écoulées du moins. Il y a donc quelques jolis tubes comme True de Spandau Ballet, puis forcément dans le lot on trouvera une ou deux scènes pour jouer le jeu ; celle de Barracuda face aux ingénieurs par exemple, ou bien la fausse chute de Drew Barrymore. Ce n'est pas tout à fait l'extase mais il faut dire qu'à l'usure ça ressemble à un divertissement. On voit aussi Crispin Glover préparer son costume pour le remake (2003) de Willard, référence prophétique s'ajoutant à celles de La Grande Evasion, de Matrix, ou des diverses productions de masse au rayon « espionnage » et dans une moindre mesure « arts martiaux ».
Passées les présentations et premiers déploiements, le film pétarade avec une certaine 'mesure' ; pas question de goût, juste d'articulation digne de ce nom. Aucune densité, aucun personnage digne de ce nom, mais une générosité dégueulasse qui révulse et puis désarme. Charlie's Angels se définit par une sorte d'immanence hystérique, à l'imaginaire plat mais haut-en-couleur et dégoulinant partout, tout le temps, comme s'il s'agissait de matraquer un ennemi titanesque. Il faut avaler ce démarrage grotesque (les fondus aériens et le saut hors de l'avion), ces effets spéciaux aberrants, cette distanciation attardée et cet humour de trisomique lubrique à l'agonie ; et puis ça coule tout seul. C'est pas bien, mais c'est quand même flamboyant.
Tout le monde est à fond, c'est un « all star movie » (c'est-à-dire avec des gens dont le costume est présumé faire bander le plouc) et la Charlie's team est au sommet de sa gloire ; très inégale aussi. Drew Barrymore écrase ses partenaires. La plastique de Lucy Liu étant bien mise en avant également, le traitement accordé à Cameron Diaz (Very bad things, Mary à tout prix) ne suffit pas à expliquer le caractère si falot de sa présence. La blonde est pourtant le personnage le plus aimable et ébouriffant dans les Totally Spies, série pour enfants/pré-ados et dérivé girly où à défaut de Charlie on verra le visage de Jerry. Heureusement Charlie's Angels aura sa suite, encore plus bruyante et sans Bill Murray, nouveau gros coup de masse dans la gueule du chaland.
https://zogarok.wordpress.com/2015/10/16/charlies-angels/