Le premier était un trip pour spectateurs profondément alcoolisés, le second est d'une débilité effarante, presque indicible. La responsabilité est toujours déléguée à McG, transfuge du monde du clip et futur directeur de Target et Terminator Renaissance (le 4e). Les Anges se déchaînent poursuit l'oeuvre de son modèle Charlie's Angels et bien sûr dépasse son maître dans la médiocrité ravie, en élève appliqué, dégénéré seulement à des niveaux de lecture lointains. Au début Barrymore sort un « si seulement une fois je pouvais sortir d'un bar sur mes pieds » après avoir réchappé à une quelconque explosion. C'est pas drôle ni même pince-sans-rire, sauf peut-être pour quelques-unes se projetant sur l'actrice. Mais c'était à faire.
Les one-line ''second degré'' sont donc vomies en continue, la logorrhée inlassable de 'délires' cautérisée avec un montage hystérique et une débauche de moyens purgés dans l'allégresse. Ce second opus va plus à fond dans le 'luxe' d'un goût dépravé et vulgaire : faux luxe ou luxe de beaufs riches, au choix. Au fond c'est une chorégraphie démesurée plus qu'un film traditionnel, une forme voisine de la comédie musicale enchaînant les démonstrations de puissance, de joie et de laideur (avec pour faire soap, une embrouille imbécile entre Alex/Lucy Liu et son papa). Cette chorégraphie digère la culture passée, la plus excentrique ou rock parfois (ciblage plus spécifique que dans le premier) ; elle digère et ne mâche pas (le passé l'a fait), le chiant juste avec éclat et enthousiasme.
Que l'intrigue soit rachitique et foutue par bouts mal raccordés n'est pas un mal en soi. Mais ce monde gélatineux, ce grand cabaret pour ploucs, ce chapiteau qu'on croirait inventé par une ogresse démente ravagée par les amphet', c'est trop ; c'est Moulin rouge remaké par des fisteurs pré-pubère corrompus par les forces de l'argent. La fabrication d' 'euphorie' passe ici nécessairement par le dégueulis de couleurs flashy crispantes, d'une OST assourdissante et de ''gags'' tels que leur vocation interroge. Vu d'ici, la sous-écriture irriguant le premier paraît bien consistante. Encore une fois il n'y a pas d'ennui ; c'est même 'captivant' à sa façon. Celui qui n'est pas emporté n'a qu'à contempler la surenchère. Suffit d'y laisser un œil pour s'en prendre plein la gueule.
Voir ce film dans un état second doit être une expérience bouleversante ; on est plus fragile face à tout ce non-sens, cette agressivité souriante, ce viol de l'esprit et de sa moindre parcelle disposée à autre chose que déglutir ou avaler partout autour de lui les suggestions les plus impulsives. La révélation du retournement de la méchante marque un tournant, le spectacle devenant beaucoup plus sérieux (c'est-à-dire construit, intelligible – on reste dans la parodie, étiquette bonne à tout légitimer) par la suite, dramatisant le personnage de Demi Moore. Les anges singe la raison et l'émotion (élans mélos déroutants car intégralement HS) : c'est vraiment de la merde, mais de la merde qui se pose – relativement à sa moyenne bien sûr.
Le côté bling bling et sophistication mal démoulée se répand à fond et titille la tragédie : cela donne du Nip/Tuck à la sauvette. Pour être précis : une sorte de prout de soirée Nip/Tuck-ienne, empaqueté avec les gerbes déposées par une poupée gonflable (soit-disant humanoïde) autour de chiottes en cristal made in Taiwan. C'est la mise en service d'une sorte de Karsher du yolo, du rire, du moche clinquant et du gag grivois ; c'est une boucherie survitaminée commandée par une industrie exaltée. C'est lourd pour les sens, c'est trop con pour être tout à fait odieux : on peut tenir. Il y a un gros bêtisier à la fin de cet ancêtre d'Astérix aux Jeux Olympiques (le spot de pub dirigé par Langmann et Forestier).
https://zogarok.wordpress.com/2015/10/16/charlies-angels/