Après l'expérience Vinyan, Fabrice Du Welz, réputé pour son Calvaire, a circulé entre différents pays et projets pendant plusieurs années. Il a fini par s'atteler à la conception de Colt 45, produit correspondant à sa volonté d'évoluer vers un cinéma plus 'humble' (et racontant une guerre des polices). Distribué par Warner Bros, ce devait être le film 'passe-partout' de sa carrière, relativement aux autres, difficiles compatibles avec les attentes de nombreux publics. Finalement c'est un opus qu'il renie quasiment, qui sera lancé en salles le jour de la sortie de Lucy et fera un four au box-office.


Du Welz affirme à raison que le film a été fini « dans son dos », il en rejette notamment les effets sonores (assez gras). La faute n'incombe pas seulement aux producteurs, mais également à Joey Starr et Jacques Lanvin qui n'ont pas apprécié d'être sous la direction de Fabrice Du Welz, c'est-à-dire d'un novice et non d'un baron ou d'un petit faiseur effacé. L'affiche était étonnante et l'improbable n'a pas eu lieu : un auteur comme Du Welz ne pouvait sereinement prendre en main un projet conventionnel produit par Langmann, où on lui refourgue les stars druckero-compatibles. Finalement Frédéric Forestier (directeur essentiellement de comédies lourdingues, parfois des spot publicitaires de longue durée – Astérix aux JO) a dû tourner les dernières scènes, tandis que certaines ont été annulées. Cela donne un résultat étrange.


Dans l'ensemble Colt 45 est plaisant, regorgeant de bonnes idées, avec un style notable et même des éclairages superbes (le chef opérateur est Benoit Debie, collaborateur de Noé pour Enter the Void et Irréversible). Une espèce de profusion maintient l'intérêt constamment, mais comme la dernière ligne droite viendra le confirmer, tout ce qui est disséminé ne se concrétise pas, ou alors par des sorties superficielles (la façon dont est réglée le cas Cardena par exemple). Les relations entre ces hommes sont au cœur de l'action mais complètement bouffées ; c'est le scénario lui-même qui est inhibé. Colt 45 donne tous ses atouts mais semble s'interdire de les épanouir, pour rebondir vers un autre et laisser les habitudes du genre fermer toutes les boucles engagées.


Le film ne tourne pas à vide mais se renouvelle constamment en minorant ses ambitions ; un certain rythme, une richesse évidente et des qualités plastiques en font un divertissement opérationnel et gardant un certain charme. C'est donc un objet déroutant et pourtant ordinaire, où se mélangent le style Du Welz et un côté polar trivial, chacun nuançant l'autre parfois dans la même séquence. Gamblin et Joey Starr justement ramènent le film dans des contrées connues (le « polar à la Olivier Marchal » par exemple, comme l'indique Du Welz) et leurs personnages souffrent également de cette gêne sentie dans le développement du film. Joey Starr a une certaine prestance en flic pourri mais finalement sa place est celle d'un avatar folklorique ; Chavez apporte une espèce de sensibilité paternaliste et déclinante finalement sous-exploitée, d'autant plus que Lanvin est désimpliqué.


Toutes les ressources, humaines y compris, trouvent leur place, trop petite, mais assez fortes prises isolément : par exemple, cette scène de l'enterrement relativement émouvante, avec Nahon en préfet dépassé par les événements. De plus, Ymanol Perset a un jeu magnétique et compense largement le manque d'épaisseur de ses acolytes (quoique Richard Sammel soit gâté par son costume et par ses punchline). Finalement Colt 45 est une sorte d'hybride inabouti, avec un caractère trop fort pour être fondamentalement sapé. Du Welz enchaînera aussitôt après avec Alléluia, love story carrée et insolente, flirtant avec le génie et le mauvais goût.


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le 14 sept. 2015

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