Dans les premières minutes du film, on semble être en terrain conquis. Rien de nouveau sous le soleil. Séquence d'intro pour présenter les personnages principaux. Trois ados qui cambriolent une maison. Des caractères monolithiques, des personnages déjà-vus un nombre incalculable de fois. Il y a le méchant, grand costaud, voleur plus ou moins professionnel, le mec dont on se dit qu'il a mal tourné, qu'il tournera encore plus mal par la suite, et qu'il entraîne sûrement les autres avec lui. Il a une grâce animale, mais on comprend tout de suite qu'il va créer des dégâts.
Face à lui, l'autre garçon, exactement opposé. Lui, on devine que c'est l'intello. Lors du cambriolage, il est capable de citer les articles de lois qu'ils sont en train d'enfreindre. Il touche sa bille en informatique également, car c'est lui qui déconnecte le système d'alarme. Et on voit que le conflit larvé se situe entre les deux personnages, entre deux conceptions opposées. Deux caricatures, le bad guy qui entraîne un good fellow avec lui, presque à l'insu de son plein gré.
Et, évidemment, entre les deux, il y a une fille. Là aussi, on devine d'emblée tout ce qui va se passer. Qu'elle est attirée par les muscles du bad guy, que le good fellow est fou amoureux mais n'ose pas le lui dire, alors que nous, spectateurs, nous savons qu'il est sympa et qu'il mérite qu'on lui donne sa chance, et patati et patata...
En bref, en quelques minutes, nous avons déjà une vue bien dégagée sur le chemin que nous allons suivre pendant une heure et demi, celui d'un film pour ado sans grande surprise.
L'atmosphère change progressivement lorsque nos trois personnages rentrent dans la maison qui, d'un certain côté, sera le personnage principal du film. Un long plan-séquence nous fait visiter les lieux du crime, s'arrêtant sur des détails dont on devine qu'ils auront leur importance par la suite. L'ambiance s'installe petit à petit. Un constat s'impose : bien malin celui qui sera capable de dessiner un plan de cette maison. La caméra, que ce soit au rez-de-chaussée ou au sous-sol, se perd dans en entrelacs de couloirs qui transforme la maison en un véritable dédale. Un labyrinthe.
Est-ce la faute d'un réalisateur qui ne maîtrise pas son décor et sa caméra ? Ou, au contraire, est-ce un effet voulu, celui de perdre le spectateur, d'instaurer une ambiance étrange confinant au glauque ? La suite confirmera cette seconde hypothèse.
Et la suite, c'est l'arrivée du résident de cette maison, colosse aveugle, violent et indestructible. Un des grands personnages du cinéma d'angoisse de ces dernières années. C'est clairement grâce à lui que ce film est aussi réussi.
Avec lui, et avec ce décor si particulier, le film prend une dimension mythologique. Le labyrinthe au centre duquel se trouve la victime sacrificielle. Le colosse aveugle rappelant un Polyphème monstrueux et invincible. Un Cerbère terrifiant. Et deux personnages qui, comme Icare, essaient de sortir du piège sans y arriver.
Une scène, entre autres, est significative : au même moment, mais à deux endroits différents de la maison, deux des ados font une chute. Une chute qui rappelle celle d'Icare. En pénétrant dans cette maison, ils ont violé un sanctuaire interdit. Et réveillé la fureur de son gardien.
Avec ce personnage et un tel décor, le réalisateur parvient à faire un film constamment sous tension et bien angoissant.
En gros, ce qui semblait être un petit tenn movie sans prétention et sans originalité se révèle, malgré ses défauts (personnages caricaturaux, renversements de situation trop tirés par les cheveux), un film original, par la force d'une réalisation qui en fait un combat épique. A voir.