We own the bite
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Dracula. Voici un nom qui fait frissonner, et qui incarne l’épouvante comme aucun autre. Mythique personnage de la littérature et du théâtre britannique, il apparut pour la première fois au cinéma dans un film-pirate hongrois de 1921 et aujourd’hui disparu, avant que Murnau ne réalise l’acclamé Nosferatu un an plus tard. Mais c’est bien ce Dracula qui a fait date et qui reste encore très ancré dans la culture populaire.
Le Lac des Cygnes de Tchaïkovski en ouverture, une ambiance macabre, le ton est tout de suite donné, nous évoquant un conte horrifique et fantastique. Dracula parvient tout de suite à nous immerger dans cette ambiance, avec ces voyageurs qui content à haute voix la légende du vampire pendant que la diligence se fraie un chemin au milieu de ces grandes montagnes inhospitalières, et ces villageois qui alertent l’homme d’affaires sur le fait de ne pas continuer son voyage de nuit sur ces terres maudites. Alors que toutes les peurs n’étaient issues que d’histoires rapportées, l’horreur va se manifester concrètement, quand le comte lui-même prendra le relais pour conduire Renfield, se transformant en chauve-souris pour diriger son convoi.
Vient alors le décor du manoir, nouvel écrin horrifique parfaitement conçu, avec ces plafonds démesurément hauts, ces escaliers interminables, ces toiles d’araignées gigantesques… Tout, dans ce lieu, évoque la peur, quand Renfield incarne cette petite flamme qui essaie de résister dans l’obscurité. Ce premier acte, qui dure jusqu’à l’arrivée du comte Dracula en Angleterre, est mené d’une main de maître, trouvant sa source dans l’expressionnisme, et définissant de nombreuses fondations du cinéma fantastique et d’épouvante. Par ailleurs, dans ce début des années 30 où le cinéma parlant émerge encore, la musique est encore très peu présente, et cela occasionne de nombreux moments de silence qui alimentent la tension et la peur qui émanent des images.
Toutefois, ce premier acte ne parvient pas à être égalé par le reste du film, qui suit la volonté de Dracula d’étendre son pouvoir et de transformer en vampires les victimes qu’il a désignées. Les motifs découverts au début se répètent alors, pendant que se développe un nouvel arc avec l’intervention du Professeur Van Helsing, qui enquête sur ce mal mystérieux. Dans sa volonté de se positionner en tant qu’adaptation du roman et de la pièce de théâtre, le film ne parvient pas à se défaire totalement des codes qui régissent ces derniers, ce qui fait que Dracula tend à se figer, à être dans le dialogue plus que dans la suggestion, dans le langage des mots plus que des images, contrairement au début du film. Ce parti-pris tend finalement à biaiser notre perception du temps, qui s’étire, et qui fait perdre au film sa puissance évocatrice.
Il est certain que Dracula est, pour nos yeux de spectateurs modernes, doté d’un certain charme de l’ancien, avec ses effets spéciaux datés et ses allures, par moment, de production « bis ». Aussi kitsch puisse-t-il paraître par moments, Dracula reste un film qui vient définir de nombreux codes du film d’épouvante, l’inscrivant dans une nouvelle ère tout en influençant durablement son histoire. Béla Lugosi reste une incarnation inoubliable du plus célèbre des vampires, parvenant à surpasser son absence de maîtrise de l’anglais pour livrer la prestation d’une vie, et associant définitivement ses traits à ceux de ce personnage mythique. La postérité de Dracula pourrait tendre à masquer ses défauts, à mes yeux plus nombreux que dans d’autres de ses films, notamment dans sa période muette (Le Club des Trois, L’Inconnu, Le Talion) ou plus tard avec Freaks. Reste le regard glaçant de Béla Lugosi, qui traverse l’écran et les âges, pour l’éternité.
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Créée
le 11 oct. 2021
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