Ce film fait partie de mon "rattrapage culturel" version "un réalisateur = un film."
Scénario :
C'est Fitzcarraldo qui veut construire un opéra au milieu de la jungle. Mais avant ça il faut qu'il se construise une plantation au milieu de la jungle. Du coup, il se sert des éléments de la ligne de train qu'il voulait ouvrir au milieu de la jungle pour ouvrir un funiculaire pour bateau au milieu de la jungle.
Bref, ça se passe au milieu de la jungle, du coup, ça sent quand même un peu le repompage de Aguirre. (Il se foule pas trop ce Werner Herzog.)
En tant que sujet d'étude :
"Fitzcarraldo" est le film que j'ai pris afin d'étudier le cinéma de Werner Herzog. Un cinéaste dont j'avais juste vu Aguirre, la colère de Dieu et ce, lorsque j'avais douze ou treize ans, suite à un article dans Télérama. Je gardais le souvenir d'un film que je ne savais pas trop si j'avais aimé, austère avec un personnage principal horrible, des moments où il ne se passe rien et une fin cauchemardesque.
Du coup, difficile de ne pas faire le parallèle entre les deux : Même réalisateur, même acteur principal et même histoire : celle d'un homme qui tente de conquérir la jungle. Fitzcarraldo pourrait peut-être être le descendant d'Aguirre, tentant de réussir là où son ancêtre a échoué. Sauf qu'on m'objectera qu'Aguirre meurt sans descendance, que les deux jungles sont à des milliers de kilomètres l'une de l'autre et qu'en fait, c'était même pas Kinski qui devait jouer Fitzacarraldo à la base.
Il y a toutefois un parallèle à faire entre les deux films : Aguirre déboule en tant que conquistador, il est violent et s'arroge tout par la force, là où Fitzcarraldo va tenter une forme de rapprochement entre les peuples (qui reste quand même basée sur l'exploitation de la populace locale... c'est un blanc du XIXe siècle le mec.) De plus, le rêve d'Aguirre est un rêve de conquête violente, d'homme qui s'arroge des territoires tandis que celui de Fitzcarraldo est un peu plus poétique (même si elle passait par l'argent.)
Toutefois les indiens sont toujours en retrait de ce fillm. Dans Aguirre il étaient une force inconnue qui mettait à mal le personnage, dans celui-ci ils se montrent, coopérent mais garde toujours leur masque impénétrable et n'arrive pas à nous comprendre non plus. (Le dernier plan où ils sont vus, ils reniflent un verre de champagne sans vraiment comprendre ce que c'est.) Le film pourrait être la moitié d'une trilogie se déroulant dans la jungle où la dernière aurait montré une véritable coopération avec des indigènes, basée sur une véritable communication sans appropriation culturelle.
On peut aussi me dire que j'ai piqué cette analyse au Fossoyeur de Film, alors certes, j'avais vu sa vidéo sur le film il y a deux ans, mais je dois avouer que je l'avais vaguement oubliée, au point que j'avais totalement réinventé la fin du film dans ma tête.
Dans mon souvenir, le bateau finissait par se briser en haut de la colline. Seul et abandonné de tous, Fitzcarraldo tentait de transformer l'épave du bateau en opéra de fortune.
Du coup, j'ai été agréablement surpris par le côté assez positif, notamment la fin où l'on voit le personnage partir sur un dernier coup d'éclat en offrant une scène d'opéra montrée au public, sur son bateau
Mon avis personnel :
C'était bien! Vraiment. Alors, oui, c'est un film qui fait bien ses deux heures et demi de longueur avec pas mal de silence, mais ça fonctionne.
On retient surtout la critique de Serge Daney qui disait que le film était « La bande-annonce de l'aventure du tournage » et qu'au fond, le making-of du film montrait un exploit encore plus impressionnant que le film lui même. (Avec en prime, Kinski qui pète les plombs.) Alors, OUI, le fait que tout soit fait en prise de vue réelle offre un cachet indéniable (d'ailleurs la seule scène de maquette du film jure) mais je me suis dit naïvement "ils ont tractés ce bateau avec une grue."
Mais ce film est avant tout une bonne histoire. Car si ce film n'avait été simplement qu'une beauté visuelle et une prouesse technique cinématographique, je lui aurait collé un bon "5" ou "6" des familles, avec un lénifiant "c'était beau, mais chiant, c'est bien la peine de raser l'Amazonie pour ça."
L'histoire du film, elle aussi, est bien racontée : on a de l'empathie pour Fitzcarraldo, on se retrouve embarqué avec lui et ses trois membres d'équipages hauts en couleur. Le fait d'avoir des personnages secondaires attachant était une chose qui manquait vraiment à Aguirre et qui fonctionne vraiment ici. Si le personnage de Claudia Cardinale (enfin, de la soeur de Claudia Cardinale, parce que j'ai pas souvenir qu'elle parlait allemand) n'apparaît que dans le premier tier de l'histoire, il est lui aussi, assez attachant.
Le film arrive à être enthousiasmant, drôle (avec une grosse pointe d'ironie dans l'histoire du pauvre garde qui a attendu des années que Fitzcarraldo relance son projet de train) et je me suis vraiment plu à le suivre. Et puis ça fait plaisir de voir Kinski en train de sourire un peu (il ressemble vaguement à Neal McDonough en fin de film.)