Hambourg, début des années 70. Un tueur en série sévit dans le quartier pauvre de la ville, tuant quatre prostituées âgées qu’il découpa en morceaux, conservés ensuite dans son minuscule appartement. Il s’appelait Fritz Honka, de petite taille et au visage disgracieux suite à un accident de la circulation, impuissant, colérique et alcoolique au dernier degré. On est loin évidemment de la séduction trouble d’un Hannibal Lecter ou de l’aura iconique d’un Patrick Bateman. Ici on est plus proche de la déchéance sanglante et crapoteuse d’un Ed Gein ou d’un Henry Lee Lucas, et Fatih Akin n’y va pas par quatre chemins pour bien nous le faire comprendre et bien nous le faire (res)sentir.
Golden glove est glauque, poisseux et obscène. Golden glove sent le vomi, la sueur rance et la putréfaction. Les chairs y sont tristes et grasses (quand elles n’y sont pas allègrement charcutées), rougeaudes de tant d’alcool, flétries de tant de misère et de solitude. Ce jusqu’au-boutisme impressionnant dans l’infamie, très diversement accueilli par la critique, aura évidemment de quoi faire fuir ou tourner de l’œil certains spectateurs qui ne supporteront pas (ou peu) ce spectacle tout sauf ragoûtant. Si le regard d’Akin est outré et caricatural, rappelant, dans sa démesure expressive parfois dérangeante, les tableaux de Georg Grosz ou d’Otto Dix, il est emprunt aussi d’un soupçon de compassion portée sur cette Allemagne d’après-guerre laissée à l’abandon, vautrée dans sa laideur et ses vieux fantômes et que l’on vient voir comme pour s’encanailler ou pour se faire peur.
Et c’est ce bar minable, le Golden glove, cette espèce de cour des miracles peuplée d’ivrognes, de pauvres hères et de catins décaties (et même d’un ancien SS), qui sert de point central, de repère et de refuge à ces femmes et ces hommes qui n’ont plus rien, sinon la biture facile, et aussi de "vivier" à Honka qui drague comme on flatterait puis engueulerait un chien. Akin assume la monstruosité et le comique crasse de son film dont il semble se gargariser jusqu’à l’écœurement, au détriment d’un montage serré (toute la partie sur Honka travaillant comme gardien de nuit est trop longue), d’un rythme soutenu (les va-et-vient entre l’appartement et le bar finissent par lasser) et d’un vrai regard, d’un vrai propos sur la détresse d’une âme humaine rongée par ses démons, réduisant de fait Honka à un simple gnome huileux et vociférant.
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