Si pour certains les slashers (films d’horreur mettant en scène un psychopathe principalement masqué s’en prenant à une bandes d’ados en chaleur) sont nés dans les années 60 avec Psychose et Le Voyeur, c’est surtout dès 1970 que le genre va connaître son essor avec Black Christmas, Massacre à la Tronçonneuse et surtout Halloween, la Nuit des Masques. Et si ce dernier reste encore dans les mémoires, c’est notamment grâce au fait qu’il est une des plus grandes références au genre et qu’il a été réalisé par l’immense John Carpenter, bien que le bonhomme n’était encore qu’à ses débuts (troisième long-métrage après Dark Star et Assaut). Après la franchise Mad Max, voici une nouvelle rétrospective critique s’attaquant cette fois-ci à l’une des sagas les plus emblématiques du cinéma d’horreur !


Et pour commencer, autant attaquer par une note positive : Halloween premier du nom est un très, très bon divertissement horrifique, hautement maîtrisé et qui arrive à rendre nerveux le spectateur. Bien entendu, les amateurs de scénarii complexes n’y trouveront pas leur bonheur, comme dans la grande majorité de ces films. Par là, il faut comprendre des personnages d’une débilité indigeste et d’une platitude désespérante, un manque de travail certain autour d’un concept par moment « sympathique »… Halloween possède quelques-uns de ces défauts, comme celui où l’héroïne qui, plutôt que de sauter du balcon (seulement au premier étage de la maison avec possibilité de s’agripper) préfère se cacher dans le placard de la chambre armée d’un cintre. Mais cela serait vraiment mauvaise langue de s’arrêter sur ce style de couacs, tant le scénario du film est vraiment bon.


Alors oui, l’ensemble n’a sur le papier rien de bien passionnant, si ce n’est de suivre une étudiante autour de laquelle tourne un tueur sans que l’on ne sache rien sur les protagonistes. Mais c’est justement ce manque d’éléments scénaristiques qui fait l’une des forces du film. En effet, cela transforme le tout en une histoire lambda qui peut arriver à n’importe qui, ce qui rend Michael Myers (le serial killer) bien plus menaçant auprès du public, ce dernier s’attachant donc plus facilement à des protagonistes plutôt bien interprétés dans lesquels il peut se reconnaître. De la part d’un slasher, c’est plutôt une bonne chose que l’on se préoccupe du sort des personnages, non ? Cela permet au spectateur de se plonger pleinement dans l’histoire et de vivre chaque instant tendu avec une réelle intensité.


Mais le film doit également cette efficacité d’implication à la mise en scène de John Carpenter. Avec de faibles moyens à disposition, le futur réalisateur de The Thing parvient à angoisser, même avec les séquences les plus prévisibles (comme Myers surgissant de l’arrière de la voiture). Avec une caméra savamment placée durant l’action et un sens du timing juste parfait (vous vous étonnerez de sursauter car n’ayant pas eu le temps de dire « ah mais je sais ce qui va se passer là »). Pouvant donc se vanter d’avoir ces atouts en poche, Halloween peut prétendre haut et fort d’être un film d’horreur rudement efficace et qui marque les esprits avec seulement deux bouts de ficelle.


Et si ce n’était que ça, mais non, Halloween va bien plus loin que les autres slashers de son espèce ! Si vous prenez les psychopathes cultes de ce genre de films, à savoir Leatherface (Massacre à la Tronçonneuse), Jason Voorhees (Vendredi 13) ou encore Ghostface (Scream), ils sont mémorables car ils ont juste du charisme (je ne parle pas de Freddy Krueger des Griffes de la Nuit, c’est une autre histoire). Alors que dans le cas de Michael Myers, c’est un tueur de plus grande envergure ! Avec les qualités scénaristiques et de mise en scène citées jusque-là, vous obtenez celui qui se présente comme le croquemitaine ultime. Il suffit d’une description continue (du début jusqu’à la fin du long-métrage) du personnage frôlant l’inhumanité, une musique permettant l’iconisation à chacune de ses apparitions et des plans le mettant en valeur pour que la terreur qu’il inspire se propage en dehors même du long-métrage. Pour l’exemple, prenez la scène finale : comme dans la majorité de ses films, le psychopathe se fait tuer mais arrive à survivre sans raison. Juste pour dire qu’il peut y avoir une suite. Ici, c’est la même chose (attention, spoilers !!!) :


Myers tombe du premier étage après avoir été poignardé et criblé de balles. Mais il suffit qu’un personnage tourne la tête quelques secondes et de la fameuse musique pour que la disparition du tueur hante l’esprit du spectateur.


John Carpenter et sa co-scénariste Debrah Hill réussissent à faire croire que Myers erre dans la nature, pouvant fondre sur n’importe qui voire vous-mêmes, vous qui lisez cette critique. Ils ont littéralement créé un mythe à craindre que l’on espère ne jamais devoir rencontrer à chaque Halloween.


Efficace et mémorable sont les maîtres mots de ce qui lancera la carrière cinématographique à succès de Carpenter, mais aussi celle d’une franchise horrifique qui va perdurer pendant plusieurs décennies sous formes de suites et de remakes. Halloween, la Nuit des Masques est sans nul doute l’un des meilleurs films d’horreur existant à ce jour. De ceux qui arrivent à faire peur que ce soit pendant ou après son visionnage. Et rien que pour cela, malgré quelques défauts inhérents au genre, nous ne pouvons qu’applaudir !

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