Attentif aux 'nouvelles vagues' européennes, Oshima est devenu une des principales figures de leur déclinaison japonaise. Il s'intéresse à des sujets nouveaux, parfois sulfureux et croise les mouvements protestataires de la jeunesse des années 1960 (avant d'être un abonné de la transgression : L'empire des sens (1976) et Furyo (1983), jusqu'à son dernier Tabou en 1999). Son œuvre se politise profondément avec Nihon no yoru to kiri (1960), baptisé pour la France Nuit et brouillard du Japon, qui s'ingère dans le combat contre le renouvellement (acté 1960 également) du traité de sécurité de 1951 où les États-Unis 'tiennent' le Japon. Mais dans Tôkyô sensô sengo hiwa/Il est mort après la guerre, Oshima fait part de sa circonspection voire de son rejet de ce double mouvement, artistique et politique, doutant des légions et [de l'efficacité] des pratiques militantes, puis plus profondément de la pertinence des combats [pas actualisés en plus d'être condamnés à l'échec].
En présentant le suicide du personnage principal d'emblée, puis en balayant l'avant-événement sans fournir d'éléments justifiant directement ce suicide, Oshima se joue ouvertement des combattants, des activistes ayant la foi dans une idée, dans un projet collectif ou même simplement dans les vertus de l'action (d'ordre social à plus forte raison). La première réunion, où tout le monde enchaîne pour placer sa petite phrase, est un embaumement masqué. On y voit de jeunes gens figés, piteuses statues à la peau grasse ou aux simagrées estudiantines, débitant leurs commentaires pré-écrits. C'est théâtral et encore, avec gaucherie, précocement usé. Cette introduction met en exergue l'effet esthétique lourdingue, les résultats intellectuels débiles et affectés, de la Nouvelle Vague et de la démocratie directe en mode 'socialiste'. Oshima et sa création n'étant pas totalement étrangers à ces tendances, le désespoir se fait d'autant plus froid et cérébral ; en voulant se laver de toute velléité candide, il arrive à une sorte de nihilisme propre. Sur le plan fictionnel, cela se traduit par des micro-tragédies sentimentales au sein d'une ville quasi déserte, avec des émotions étouffées voire singées, pour le plaisir ou l'envie, gratuits, de l'auteur et du spectateur.
Ce film interroge abondamment, commente intelligemment (par phrases éparses et mises en place complexes), réfute tout engagement – au mieux il exhibe une démission, sans avoir le culot ou l'énergie de la valoriser. Passée l'introduction robotique, les débats entre amis d'Endo donnent lieu à des déclarations claires et synchrones, appréciables même si vaines et chiquées ; les remarques les plus pertinentes surviennent en face-à-face ou lorsque des jugements emprunts de recul (non commandés par les objectifs) sont formulés. Les bavardages et spéculations anxieuses s'enfilent, riches et oiseuses, plutôt l'une que l'autre selon les moments. Il est mort après la guerre est un sarcasme post-moderne d'après-guerre, où on sort patraques et blasés de l'ivresse des utopies, flippant à l'idée de s'abrutir et cherchant sans y croire les fuites en avant. En dernière instance cela donne un objet art-déco (noir et blanc sublime, morceaux d'érotisme glabres) avec substrat intello, inversant le plan initial (et soulignant par l'absurde la nature de ses tristes sires et idéaux à bout de souffle). Le travail sur la construction, le scénario et la place des interprètes remuent, font d'Oshima une espèce d'agitateur, mais sûrement pas un contestataire au sens 'révolutionnaire'. Il est mort après la guerre ne relève pas de l'avant-garde (bien qu'il soit sûrement disponible) : il vise et s'épanouit ailleurs, trop absorbé par sa tension entre liberté et nihilisme, déjà bien loin en somme des croisades qui se partagent.
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