Au-delà et vers pas grand chose
Interstellar n'est pas un chef d'oeuvre, du moins, pas pour moi. Christopher Nolan aime entretenir le mystère autour de ses films, je partage cela avec lui, vu que je ne regarde ni trailer, ni bande-annonce, ni ne lit de critiques avant d'avoir vu le film. Je savais que c'était un film de science-fiction, que lors des avant-premières, les avis étaient dithyrambiques, que Matthew McConaughey était le rôle principal et bien sur, que c'était un film des frères Nolan. Le reste, je vais le découvrir sur grand écran durant 2h49, sans m'ennuyer, mais sans m'enthousiasmer.
Christopher Nolan nous emmène dans un avenir proche, sans date définie, ou la terre se révolte contre l'homme, en détruisant la plupart de ses ressources alimentaires. L'histoire se focalise sur Matthew McConaughey, un ancien pilote de la NASA, traumatisé par un crash, mais aussi veuf, qui élève avec l'aide de son beau-père John Lightow, sa fille Mackenzie Foy et son fils Timothée Chalamet. Il est devenu fermier et vit dans le Texas. L'armée n'existe plus, la conquête spatiale était une supercherie pour obliger l'URSS a dépensé des milliards dans cette course à l'espace.
L'histoire met du temps à se mettre en place, le héros ne pouvait qu'être un homme brisé par la vie, privilégiant sa fille intelligente, à son fils qui le semble moins. Ce choix est un des défauts et une des qualités du film. La relation au fil du temps, entre le père et la fille, qui a plus tard les traits de Jessica Chastain, est émouvante, démontrant encore et encore, que Matthew McConaughey est un immense acteur. L'émotion du film, vient d'eux, elle est forte et rend l’œil humide.
Seulement, les autres personnages sont mis sur le bas côté, Anne Hathaway étant tellement fade, malgré un rôle conséquent. Mais le pauvre Wes Bentley est tout simplement sacrifié, sans susciter la moindre émotion, qu'il soit présent ou pas, peu importe et on ne ressent jamais un semblant d'idylle entre lui et Anne Hathaway. Certes, cela sert de ressort dramatique, pour le choix de la dernière planète, mais face à l'absence, comment ressentir quelque chose ?
C'est ici, le point le plus négatif de l'ensemble, cette absence d'émotion, en dehors de la relation père/fille. De ce souffle qui ne vient jamais, de ces plans répétitifs sur la navette, avec toujours ce même angle, aussi ennuyeux que ceux de James Cameron dans Titanic. Certes, c'est beau mais pas un seul plan ne s'est imprimé dans ma rétine. Je préfère la beauté visuelle de Gravity, autrement plus impressionnante. Après, je veux bien que l'on considère que Christopher Nolan a voulu faire un film simple, au style épuré, en évitant le superflu et la surenchère. Mais cette simplicité se retrouve aussi dans les dialogues, avec ces divers échanges scientifiques ou même les acteurs, ne semblent pas croire. Bien sur, je ne suis pas un scientifique, mais ne me faites pas croire que tout les spectateurs le sont et qu'ils ont compris les théories développés au cours de l'histoire, soyez humbles.
Ce point scientifique est intéressant, il permet de se renseigner après le film et de ne pas être juste spectateur, mais aussi acteur. Si devant l'écran, j'étais plus que sceptique, surtout face au plan A : comment peuvent-ils envoyer toute la population de la terre sur une autre planète ? Du moins, s'ils trouvent une planète ? Totalement improbable, surtout qu'on nous explique que la terre devient de plus en plus hostile, et donc qu'on a plus beaucoup de temps. D'accord, mais alors combien de temps a-t'on ? Pas beaucoup. Ah ok, merci.
Une facilité scénaristique, pour envoyer Matthew McConaughey dans l'espace, en un temps très rapide. Mais pourquoi la NASA, qui travaille dans la plus grande discrétion, vu que je le rappelle, les américains ne sont jamais allés dans l'espace, n'est pas allé chercher notre héros auparavant ? Pourquoi a-t'il fallu qu'un fantôme, lui désigne le lieu ou se situe la base, pour qu'il se retrouve aux commandes du vaisseau ? Il n'y avait pas d'autres pilotes ? Les scientifiques attendaient l'élu ? Nouvelle simplicité scénaristique, une de plus.
Mais revenons au côté scientifique, après avoir lu divers sujets sur "le ver", je découvre qu'il est tout bonnement impossible de le traverser et que même la lumière, ne pourrait le faire, ça fait mal. Et que même dans l'éventualité d'une traversée, on ne pourrait en revenir et que de toute façon, si "un ver" venait à prendre forme dans notre galaxie, notre terre serait aspiré par celui-ci, sympa, non ?
Pour un film qui se veut réaliste, ça fait mal. Mais comme je suis tolérant, cette aberration n'est pas pris en compte, dans ma critique, vu que je ne le savais pas durant la projection, comme vous.
On en revient au film en lui-même, à ce twist deviné dès le début, mais qu'on espère plus profond. Que nenni, cela reste simple, c'est le maître mot du film. Même s'il tente de nous en infliger un autre, avec l'apparition d'un nouveau personnage. Mais avec toujours ce même constat, même TARS joue mieux, ce monolithique échappé de "2001, odyssée de l'espace", ce chef d'oeuvre de Stanley Kubrick, auquel le film a été comparé. Une hérésie, qui a aussi eu lieu lors de la sortie de "Gravity". Mais comment ne pas y penser, par le biais des envolés symphoniques d'Hans Zimmer, très inspirées de celles de Richard Strauss.
TARS, cet anagramme de STAR, qui apporte une touche de légèreté dans un film, qui n'en manque pas vraiment. Car comme souvent avec Christopher Nolan, il enrobe son histoire d'artifices, pour masquer les divers incohérences du scénario. Mais on ne peut lui en vouloir, il est protecteur avec son frère, c'est la famille, quoi.
Ils nous proposent aussi un défilé de bons acteurs (trices), sans en tirer la quintessence, sacrifiant le prodigieux Casey Affleck, comme il a sacrifié Wes Bentley auparavant et ressortant Topher Grace de l'anonymat, au moins il en sauve un sur trois, je m'en contente.
Enfin, le film s'étire comme l'espace temps, ne voulant pas se finir, en sacrifiant encore et encore Matthew McConaughey, profitant de son talent, du début à la fin, comme si l'humanité se réduisait à lui seul. Un héros Texan, un vrai bonhomme, aux traits émaciés.
Christopher Nolan, se décidant enfin à conclure son film, après avoir admiré son travail en salle de montage et ne sachant pas vraiment ou couper et ou ne pas couper. Son voyage interstellaire prenant fin, sans avoir l'impression d'avoir quitter mon siège, d'avoir été porté "au-delà et vers l'infini". Ce fameux souffle, qui ne viendra jamais. Cette cruelle absence d'émotions, de psychologie, rendant le film trop simple, trop basique, pour me permettre de décoller.
C'est au final décevant, sans être navrant, cela se voit, mais cela ne se revoit pas. C'était sympa, comme un tableau de Modigliani, on le regarde et on l'oublie, c'est une question de perception, de sensibilité artistique, de la forme ne sauvant pas un fond sans réelle profondeur.