Interstellar a un peu les qualités et les défauts de Inception, le précédent de Nolan : le film est ambitieux et le scénario fait montre d'une certaine indépendance (dire originalité serait suivre ce biais irritant et si répandu qui consiste à attribuer des qualités à un blockbuster sur la seule base de la comparaison avec le reste de la production hollywoodienne, pensant ainsi de "c'est original pour une superproduction" à "c'est original" tout court) mais l'ambition scénaristique se heurte à l'extrême rationnalisme des Nolan.
Interstellar marque par son approche "paradoxalement rétro" (est-ce que rétro-futuriste convient vraiment ?) : la plupart du temps, les vaisseaux spatiaux sont des maquettes et la mise en scène n'essaye pas de le cacher et fige les vaisseaux dans un coin du plan. Si vous ajoutez à cela la possibilité de voir le film en 35mm ou 70mm (craquelures sur l'image du plus bel effet !), l'immersion dans l'ambiance SF de l'enfance des Nolan est garantie. Interstellar procure aussi de belles sensations de vertiges : vertige de l'exploration (malheureusement affaiblit sur la fin par le montage alternée des scènes sur Terre et dans l'espace) et des distorsions de l'espace-temps qui désynchronise la vie des astronautes et de leurs proches restés sur Terre. On apprécie aussi la représentation de la Terre en fin de vie : une Terre qui perd sa fertilité et que des tempêtes de poussière ravage à feu (très) doux. Cette mort de la Terre est d'autant plus macabre qu'elle est lente et "molle". Typiquement, au cinéma, les "fins du monde - catastrophes" réveillent les forces vitales de l'humanité, son héroïsme, sa capacité d'espérer. Ici rien de tout ça.
Ce qui est moins appréciable en revanche, c'est que lorsque les films des Nolan traitent du rêve (dans Inception) ou des distorsions de l'espace-temps (dans Interstellar), la promesse émotionnelle sous-citée est très vite déçue par l'obsession des auteurs pour la précision mécanique de l'intrigue, laquelle s'autorise toute lourdeur pour retomber sur ses pieds. La moindre vision fantastique doit être expliquée, quite ce que cela soit pompeux. Dans une interview donnée à Télérama (http://www.telerama.fr/cinema/christopher-nolan,118716.php), le réalisateur utilise les adjectifs "compliqué" et "complexe" de manière totalement interchangeable et cela me semble symptomatique de leur approche.
dillinger0508
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le 6 nov. 2014

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