Bourne n'était pas le seul agent, et alors ?
Tout comme Sony avec The Amazing Spider-Man (reboot permettant à la firme de continuer la récolte des chiffres du box-office par n’importe quel moyen, ainsi que de garder les droits d’adaptation), Universal poursuit la saga Jason Bourne… sans Jason Bourne (cela en étonne encore certains). Pari fou, en effet, que se sont donnés la production et Tony Gilroy, scénariste des films précédents qui porte ici la casquette de réalisateur pour user de cet héritage comme il se doit. Un héritage qui se révèle être très lourd à porter… (ATTENTION, SPOILERS !!)
Pour que les fondateurs d’Outcome, une branche de Treadstone, puissent continuer leurs activités après les révélations faites par Jason Bourne, le colonel Byer donne l’ordre d’effectuer un grand nettoyage : éliminer les agents du projet, des super soldats dopés aux médicaments, pour tout recommencer à zéro. Seulement, l’un d’eux survit. Il s’appelle Aaron Cross. Même sans Jason Bourne, Tony Gilroy veut nous prouver que la saga a encore de la fraîcheur. D’ailleurs, le protagoniste ne cherche pas à se venger du système, mais tente plutôt de retrouver des médicaments dont il est devenu dépendant. Voici donc l’enjeu de cet héritage… Si le scénario se place dans la continuité de la saga (évocation de Treadstone, retour sur l’assassinat de Simon Ross à Londres, l’arrestation d’Albert Hirsch et de Noah Vosen…), il n’y a pourtant pas sa place. Les Jason Bourne ont toujours été des films énergiques, où il se passait toujours quelque chose durant 1h50. Là, les personnages ne font que parler, et parler, et parler… laissant peu de place à l’action (seulement 3 – 4 scènes pour 2h16). Je veux bien croire que l’équipe ait voulu un script plus travaillé, mais l’ensemble s’avère bien trop bavard, complexe au point de perdre le spectateur (on parle de virus, d’agents surdéveloppés, de blablas scientifiques et politiques…) et pas du tout approfondi, nous réservant tout un lot de longueurs, de flashes-back et de séquences (comme l’interrogatoire psychologique du Dr. Martha Shearing) en tout point inutiles. Bourne était travaillé, Cross n’est là que pour faire joli (pour preuve, le fait de connaître sa véritable identité n’apporte rien à l’histoire, juste pour entamer une relation avec sa protégée comme dans tout bon produit hollywoodien)… Et pour info, le titre anglais (The Bourne Legacy) à beau reprendre celui du quatrième livre (traduit par La Peur dans la Peau, la saga étant reprise par Eric Van Lustbader), il n’en suit aucunement la trame.
Mais c’est du point de vue technique que la comparaison avec les trois premiers films s’avère mortelle. Car avec peu de scènes d’action, il ne fallait en aucun cas gâcher ces dernières. Surtout si l’on succède à Paul Greengrass (La Mort dans la Peau, La Vengeance dans la Peau). Et malheureusement, Tony Gilroy ne lui arrive jamais à la cheville de son talent à donner de l’énergie, du punch. Pour rappel, Greengrass avait révolutionné la course-poursuite cinématographique avec celle de Moscou dans La Mort dans la Peau. Dans Jason Bourne : l’Héritage, ça manque cruellement de panache ! Tirer sur un drone, abattre de manière spectaculaire mais bien trop rapidement des agents dans une grande maison, s’échapper d’une usine de médicaments, ou bien une poursuite sur les toits et en moto… Les seules séquences d’action qui méritaient d’être travaillées et qui se retrouvent finalement bâclées au possible, filmées de manière scolaire et montées sans aucune énergie (un montage des plus hachés qui se dévoile dès les premières minutes, sautant du coq à l’âne question scénario). Sans montrer la moindre once de spectaculaire (comme la poursuite à moto dans les rues de Manille). Sans compter que la musique de James Newton Howard, contrairement à celle de John Powell, n’aide pas le spectateur à se captiver pour ces séquences, étant bien trop classique et discrète. Bref, on ose s’ennuyer alors que ça bouge…
Jason Bourne : l’Héritage peut tout de même compter sur des effets spéciaux réussis, des scènes de bastons certes bien trop rares mais visuellement puissantes et sur quelques idées. Mais surtout sur son casting, plutôt convaincant. Bon d’accord, Jeremy Renner n’arrive pas à faire oublier Matt Damon (c’était inévitable), mais prouve qu’il est le meilleur acteur du moment pour interprété ce genre de personnage. Rachel Weisz se montre naturelle et talentueuse. Edward Norton est efficace en méchant de service. Malheureusement, il est fort dommage que le scénario ne s’attarde pas sur la majorité de la distribution, gâchant ainsi des personnages (celui de Norton) ou bien des apparitions clins d’œil : Joan Allen (Pamela Landy), Albert Finney (Albert Hirsch), David Strathairn (Noah Vosen) et Scott Glenn (Ezra Krammer).
On pouvait s’y attendre, Jason Bourne : l’Héritage n’est pas le meilleur opus de la saga. Mais surtout, il a le malheur d’être un film d’action raté, au combien bavard, peu captivant er surtout oubliable. Même si la distribution s’en sort, on en vient à regretter grandement Paul Greengrass, Matt Damon et surtout Bourne. Pour le cinquième opus (s’il se fait), il serait judicieux pour la production de réunir à nouveau cette équipe de choc. Sinon, ce n’est même pas la peine de continuer de creuser autant pour, au final, nous livrer un tel produit bas de gamme.