Le Rythme de la jungle
4.1
Le Rythme de la jungle

Long-métrage d'animation de Brent Dawes (2020)

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Madagascar, Horton et En route! sont dans un bateau troué...

Critique rédigée dans le cadre du Jury SensCritique du Festival d'Annecy 2020


Je ne voulais pas commencer cette formidable expérience qu'est de participer au prix SC du festival d'Annecy par un film trop exigeant. Ce film d'animation mauricien est adapté d'une série sud-africaine sans dialogue, apparemment populaire dans son pays d'origine. Par honnêteté intellectuelle, j'ai voulu en regarder quelques épisodes afin de comparer, mais l'ennui s'est emparé de moi quelque 1 minute 29 après le début du premier épisode.


Je vous épargne donc le cérémoniel introductif et vous propose de vous plonger directement dans l'analyse du film.
Le choix de faire parler les personnages dans le film transforme complètement la démarche de la série et fait basculer l'animation dans des terrains bien plus familiers. Jungle Beat évoque directement un mélange entre Horton et Madagascar dont l'animation et le propos sont proches, tout en faisant référence au Roi Lion dans les thématiques évoquées (amitié, voyage à travers la savane, écosystème en danger).
L'écriture des personnages s'avère rapidement terriblement superficielle avec des protagonistes lisses et des sidekicks faciles voire étrangement déjà vus (la girafe est un copié-collé de Melman de Madagascar et le hérisson nous surprend par une attitude improbable de Sonic).


Mais le pire est encore à venir. Le scénario s'annonce lorsque le singe, suivi des autres animaux, se voit affublé du don de parole et s'extasie devant sa verve. La raison, un extraterrestre apeuré (dont le character design est "emprunté" à l'extraterrestre de "En route !") venu pour conquérir leur planète et qui, fort convenablement, se trouve en possession d'une pierre de langues qui permet aux animaux de s'exprimer dans la lingua franca. Fasciné par cette évolution soudaine, notre ouistiti répète ad nauseam que c'est un "truc de dingo", preuve s'il en fallait encore une, qu'il ne faut pas laisser les personnes sans enfants écrire des dialogues de dessins animés afin d'éviter les expressions usitées seulement dans les années 90.
Et c'est là que le bât blesse, les dialogues sont tellement aux abysses de la subtilité et de l'absence de naturel que la première partie du film semble avoir été commandée par le syndicat national des orthophonistes. Toutes les lignes de dialogue sont d'un didactique effarant et expriment péniblement un propos qui aurait pu être largement résumé. Alors, certes c'est un film pour jeunes enfants, mais le problème n'est pas l'audience du film mais la façon dont le film s'adresse à cette audience. Ici c'est guindé et faussement spontané, exactement de cette façon caractéristique dont une personne mal à l'aise avec les enfants pense devoir leur parler. Même les quelques bonnes idées comiques finissent inlassablement par être ruinées par les dialogues poussifs.


Ce qui m'amène à aussi peu d'indulgence c'est que l'animation est globalement de correcte facture. Le soin apporté à l'image jure avec la médiocrité et le caractère poussif de l'écriture - à l'image de la punchline morale répétée : "On se sent vraiment seul quand on est seul". No shit Sherlock. L'équipe de doublage essaie de sauver le métrage, mais difficile d'être convaincant avec de tels dialogues. Mesquin, je pourrais même relever les oublis de doublage (une phrase commence en anglais pour finir en français) et les erreurs de prononciation ("arbustre" au lieu d'arbuste).


Alors, après toutes ces frustrations, je n'ai plus eu aucune patience pour le dernier acte, celui de l'inévitable confrontation, encore plus faible et incohérent que ce qui l'a précédé. Le film n'essaie même plus de respecter ses propres codes et le singe s'envole avec sa queue, tandis que l'éléphant souffle sur une autruche pour la faire voler à des kilomètres de là.
Puis, le final vient cocher toutes les cases du cahier des charges cliché : les gentils triomphent grâce au pouvoir de l'amitié et utilisent l'arme secrète de l'amour pour se payer des grosses tranches de rigolades factices avec le méchant converti.


L'avantage, c'est que le film suivant n'aura aucun mal à être meilleur.

Raton
2
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le 17 juin 2020

Critique lue 651 fois

4 j'aime

Raton

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