Un divertissement qui aurait mérité d'être bien plus délirant que cela
Après un passage remarqué dans l’univers des super-héros (Kick-Ass, X-Men : le Commencement), le réalisateur britannique Matthew Vaughn se tourne cette fois-ci vers le monde de l’espionnage, en adaptant un nouveau comic book de Mark Millar (auteur de Kick-Ass) intitulé The Secret Service. Un projet qui semble porté ses fruits, à la vue des nombreuses critiques élogieuses accompagnant sa sortie, allant du « jouissif » au « jubilatoire » en passant par « classe et trash ». En même temps, c’est ce que le public se doit d’attendre d’un divertissement signé Matthew Vaughn ! Mais est-ce que finalement, Kingsman mérite-t-il autant d’intérêt ?
À voir la bande-annonce du film, il est indéniable que l’objectif principal du cinéaste ait été d’initier une toute nouvelle franchise pour relancer un genre cinématographique en perdition (l’espionnage), tout en essayant de faire du neuf avec du vieux. Il reprend ainsi tout ce qui a fait le succès de la saga maîtresse du genre (James Bond), à savoir le charme et la classe british représentée par ces agents habitués des beaux costumes et bonnes manières devant affronter un grand vilain au plan diabolique visant à détruire le monde, pour mélanger le tout à son côté trash et décontracté qui ont fait la réputation de ce réalisateur. Ainsi, le spectateur est en droit d’attendre de Kingsman une sorte de parodie totalement déjantée qui doit, en plus de cela, divertir un maximum avec les moyens du bord (un budget de 81 millions de dollars). Pari en quelque sorte réussi, non sans accrocs.
Dès les premières secondes du film, un mini générique explosif accompagné des guitares de Dire Staits, la couleur est annoncée : Kingsman n’est rien d’autre qu’un divertissement fun et jouissif. Et il suffit de voir les personnages, dont un antagoniste hors norme (qui ne supporte ni la violence ni la vue du sang) et de son acolyte déjanté (une femme aux prothèses tranchantes), et des situations totalement déjantées pour comprendre que la simplicité du scénario n’est pas la principale préoccupation de Matthew Vaughn. Ici, tout est justement prétexte à utiliser de très grosses ficelles du cinéma d’espionnage pour à la fois s’en moquer et s’en servir afin de livrer au public un spectacle détonnant qui balance entre humour noir et séquences d’action à la Quentin Tarantino n’ayant pas peur du gore. Allié à la mise en scène très « punchy » à la limite du jeu vidéo du réalisateur et à sa manière d’utiliser tous ces petits détails pour en faire ressortir l’essence comique, Kingsman saura en séduire plus d’un, se présentant pour le coup comme le blockbuster tant attendu de ce début d’année. Et ce n’est pas le prestigieux casting qui viendra dire le contraire, ce dernier proposant tout un lot de célébrités parfaitement à l’aise dans leur rôle respectif : un Colin Firth à la grande classe, un Samuel L. Jackson hilarant, un Mark Strong au top…
Cependant, un sentiment de frustration se fait ressentir lorsque le générique de fin pointe le bout de son nez. Celle de ne pas avoir vu un film qui, comme l’annonçait les critiques et la promotion, se lâchait totalement. En effet, pour en arriver à un final décérébré (vu la scène, c’est le cas de le dire), il a fallu au préalable passer par l’apprentissage du personnage principal, un jeune voyou qui se retrouve propulsé dans l’univers de l’espionnage malgré lui dont il doit en assimilé les techniques et les rouages. Une partie du film qui fait donc intervenir des adolescents et qui entraîne du coup le spectateur dans un enchaînement de situations dans lesquels ces protagonistes vont être mis à rude épreuve. Ce genre de trame vous dit quelque chose ? Eh bien il suffit de repenser aux récents La stratégie Ender et Divergente pour se rendre compte que même Matthew Vaughn n’a pas su éviter un passage qui sonne affreusement cliché et mille fois vu dans les films pour adolescents. Le pire dans tout cela, c’est que cette fameuse partie plutôt longue (au moins une heure sur les 129 minutes du projet) fait tâche à l’ensemble du long-métrage, se prenant bien trop au sérieux alors que Kingsman se présente pourtant comme un divertissement complètement barré. Et même si quelques situations cocasses font patienter jusqu’à un dénouement tant espéré, l’ennui se fait pourtant sentir. Ne concentrer la trame que sur l’enquête et le plan machiavélique du grand méchant aurait sans doute été plus judicieux que de perdre son temps inutilement pour donner à Kingsman une impression de film pour adolescents qui ne lui va pas, et ce même si les jeunes interprètes (Taron Egerton en tête) s’en sortent honorablement.
Un malheureux constat qui vient ternir les nombreux éloges faits à ce film, qui mérite pourtant le coup d’œil en se présentant comme un divertissement de bonne facture. Mais le résultat aurait pu se montrer bien plus détonnant que cela si la partie adolescente avait été mise de côté, au profit des situations délirantes et spectaculaires que propose Kingsman. Étant donné qu’il s’agit de l’introduction d’une nouvelle franchise hollywoodienne, il ne reste plus qu’à espérer que le second opus, s’il se fait, saura corriger cela.