À l’image de l’improbable Zardoz, L’Age de Cristal est un chef du file du cinéma de science-fiction kitsch et visionnaire. Adaptation libre du roman Logan’s run de William F.Nolan, ce film de Michael Anderson (Orca) plante son action au XXIIIe siècle. L’humanité post-cataclysme vit dans une société hautement rationalisée mais aussi orientée vers la jouissance et le plaisir. Chaque citoyen doit mourir à 30 ans, par refus du déclin organique et pour éviter la surpopulation. La mort se déroule lors du Carrousel, une cérémonie au terme de laquelle les sacrifiés sont présumés renaître.
La dystopie de L’Âge du Cristal est originale et assez téméraire puisqu’elle porte ses coups sur l’idéal accompli du totalitarisme libertaire. Anderson met en scène un monde où le jeunisme et la superficialité règnent sans partage. Sous couvert de la satisfaction immédiate et sensorielle qu’elles apportent, les valeurs prescrites sont aliénantes et la société uniforme. Le bonheur obligé et systématique, la jeunesse, la consommation, le luxe, constituent les normes de cet ordre moral. L’homme qui réfléchit est dans la négativité, parasite inadapté à ce monde aux allures de jolie galerie commerciale. Il n’y a pas de naissance normale et seulement des bébés-éprouvettes dans les crèches. La désintégration de la famille, émancipation ultime pour certains, est ici une réalité banale ; c’est justement cette absence qui rend les individus si peu autonomes, si résolument soumis à la tyrannie du mainstream.
Entre décors rétro-futuristes et retour vers une nature rayonnante et triviale où trônent les ruines de la civilisation, L’Âge du Cristal donne chair à son sujet. Avec toute sa radicalité idéologique, le film est un périple et non un pensum, une exploration même plutôt qu’un hymne. Dans le fond, à l’optimisme borné de cette société sous dôme, un scepticisme salvateur se pose en antidote. La prise de conscience de Logan 5 (Michael York) grâce à sa rencontre avec Jessica 6 (Jenny Agutter) se concrétise par une redécouverte de la Nature, refoulée mais jamais vaincue ; et finalement, les retrouvailles avec la liberté. La liberté sans le libertarisme, la liberté réelle, où on se retrouve face à la sensation de la mort, face à sa solitude, galvanisé aussi par la plénitude d’une vie pure et transparente, sans fictions aberrantes, sans surcompensations ridicules. La vie où l’amour et la cruauté existent, où il faut être plutôt que se liquéfier, où même la souffrance est constitutive.
C’est donc un grand repère de ces 70s pessimistes, toutefois L’Âge de Cristal n’est pas si désespéré. Son point de vue écologiste et conservateur est positif et envisage une issue, un dépassement des aberrations : il prétend que la vérité éclate, fait le pari que les instincts reprendront toujours le dessus pour ajuster l’Homme, qu’il place donc plus haut que ses vanités.
L’Age de Cristal est le premier film utilisant la »laser photography », ce qui renforce son aura kitsch. Le style graphique est à la fois sublime et parfaitement ancré dans son époque, avec notamment une séquence psychédélique (la « salle d’amour ») anticipant Enter the Void. Ce mélange d’outrance, de couleurs chaudes et de grâce a naturellement séduit Nicolas Winding Refn qui pourrait signer un remake. Notons enfin que L’Âge de Cristal, récompensé par le Saturn Award du meilleur film de SF en 1977, a engendré une série éponyme de 14 épisodes, l’année même de sa sortie.
https://zogarok.wordpress.com/2015/02/22/lage-du-cristal/