L’Armée des ombres inspire l’admiration. L’admiration pour ces hommes et femmes de l’ombre qui au péril de leur vie, et qui souvent y laissèrent leur peau, résistèrent durant l’occupation. Ce film, certainement la plus belle figuration de la résistance au cinéma, est l’adaptation fidèle du roman éponyme d’un grand monsieur, Joseph Kessel. Pilote durant la première guerre mondiale, puis éminent reporter dans la période de l’entre-deux-guerres, il entra dans la résistance et réussi à rejoindre Londres. De là, il s’engagea dans les Forces aériennes françaises libres et survola la France de nuit pour maintenir les communications avec la Résistance. Il est aussi le coauteur des paroles du «Chant des partisans». Un grand monsieur vous dis-je.
Rythmé par les arrestations, les évasions, les planques et les coups de feu, L’Armée des ombres ne laisse rien au hasard. Il n’y a pas de sentimentalisme à outrance. Mais en gardant un état d’esprit volontairement distant, les sentiments éprouvés par les protagonistes s’en retrouvent exacerbés. Je pense à la résignation de Gerbier et de ses hommes lors de l’exécution d’un jeune traître, la peur qui fait courir Gerbier dans cet interminable couloir de champ de tir, la détresse de « Bison » lorsqu’il apprend la nécessité d’exécuter Mathilde, ou encore l’abnégation dont fait preuve Jean-François en proposant sa pilule de cyanure à Félix pour abréger ses souffrances. Ce film est beau, ce film est grand, ce film est signé Jean-Pierre Melville.
Melville, résistant lui aussi, secondé par un casting de choix, réalise son chef d’œuvre avec L’Armée des ombres. Lino Ventura est magistral dans le rôle de Gerbier, héros de la résistance dont la carapace se fissure de temps à autre et dévoile un homme ordinaire, mais avec une volonté de fer, poussé dans une lutte éreintante. Simone Signoret est parfaite dans son rôle de Mathilde. Les autres acteurs sont aussi très convaincants.
Je ne sais pas trop quoi dire de plus sur ce film magnifique. Je me contenterai donc de finir par un conseil : foncez les yeux fermés et regardez le les yeux grand ouverts. D'ailleurs le film ressort sur les écrans dans une version magnifiquement restaurée dans le cadre du 70e anniversaire de la victoire des Alliés!