Contrairement à d'autres phares des origines du cinéma, The Great Train Robbery perd l'ensemble de ses étiquettes si on vérifie son cas. Il s'avère un pionnier remarquable mais ce n'est pas un film de 'premières fois'. Ébauche de western, il est le premier film relativement développé dans le genre, mais a au moins Cripple Creek Bar-room scene (1898) de Thomas Edison pour prédécesseur. Mais les contre-exemples sont rudimentaires, quand TGTR installe l'ensemble des bases du genre (voire de ses marottes – référence probable à Butch Cassidy). C'est un film très ambitieux, profondément novateur et bouleversant à sa sortie en 1903. Il s'inspire des contributions du 'chase films' britannique (Daring daylight burgary) et notamment de Robbery of the Mail Coach de Mottershaw.
Le réalisateur Edwin S.Porter avait déjà utilisé une astuce narrative atypique (le flashforward, en split-screen) pour Life of an American Fireman (projeté début 1903), avec une continuité sur plusieurs plans distincts. À l'époque les 'film feature' n'existent pas, l'ensemble des créations durent une à trois minutes et on parle encore plutôt de 'vues' (terme des Lumière en France). Le Vol du grand rapide (parfois 'L'attaque du grand train' est préféré) s'inscrit donc au tableau des records avec ses onze minutes et surtout ses quatorze séquences. Il pratique le montage alterné ; autrement dit, accumule les cross cutting, à l'intérieur ou autour du train, pour permettre de suivre l'action directement. Enfin Great Train Robbery contient une image séminale du cinéma (abondamment reprise, citée par Scorsese et Ridley Scott), avec cet ultime plan où l'homme de l'affiche pointe son pistolet sur le public.
Voilà un effet digne du train déboulant en gare de La Ciotat (1896) et une manière indélicate de briser le quatrième mur. Cependant le film survit moins bien que Voyage dans la Lune ou les défrichages de James Stuart Blackton (Funny Faces, Princess Nicotine). Les caractères, le bien et le mal sont souvent difficiles à décerner à cause d'un défaut de lisibilité, plutôt qu'en vertu d'un calcul d'auteur. Certains spécialistes aiment voir de la subtilité là où il n'y a qu'un magma fossilisé : celui-là est techniquement brillant, introduit la violence à l'écran (avec de nombreuses morts, desservies par la théâtralité du jeu), mais le récit est abrupt, l'action parfois floue, la cohérence et les motivations sont limites. En tout cas, il faudra attendre 1915 et Birth of a Nation pour retrouver un succès commercial de cette ampleur.
Après cet exploit, Porter tournera plusieurs films notables comme The Ex-Convict (1904) sur la rédemption ou Dream of rarebit fiend (1906). L'acteur Max Anderson, qui interprète trois rôles secondaires dans Great Train Robbery, se lancera par la suite dans la réalisation. Sa carrière explose à partir du moment où il passe devant la caméra, en 1910. Sa série des Broncho Billy fut un grand succès, parmi les premiers des westerns. À l'époque le Far West/l'Ouest sauvage était en train de s'éteindre et l'industrie du cinéma américain allait en faire son grand totem (cet achèvement est au cœur de Liberty Valance – 1962). Le premier long-métrage hollywoodien est d'ailleurs un western : c'est Le Mari de l'indienne (1914), également le premier par Cecil B.De Mille (dont il fera un remake -en 1918, puis un autre en 1931-, comme pour Les Onze commandements).
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