Pour son troisième film, Kubrick creuse la veine du film noir. Nouvelle déclinaison sur les codes du genre, cet opus se concentre sur l’avant, le pendant et l’après braquage, orchestrant un collectif choral d’archétypes : le brutal, le fourbe, la femme fatale, le gentil altruiste, la jolie cruche…
Mais sous le vernis du cahier des charges, Kubrick déploie une nouvelle fois sa maitrise formelle. Le recours à la voix off d’un narrateur externe donne le ton d’un spectacle avec lequel on garde ses distances : le film sera une dissection, une étude clinique d’un puzzle dont l’assemblage ne pourra s’achever. Kubrick évite ainsi le pathos un peu maladroit du Baiser du tueur et observe sa galerie d’impétrants à la richesse subite.
Pour peu qu’on accepte cette désincarnation volontaire et l’enfermement des personnages dans des types figés, on peut prendre la pleine mesure du projet. Kubrick travaille avant tout sur le montage et l’alternance, distribue à chacun un rôle spécifique dans une machine a priori parfaitement huilée. Film sur le collectif et le travail de groupe, il dissémine les indices comme il cache à certains le grand projet auquel ils contribuent, ne leur assignant que des tâches secondaires. C’est souvent le statut du spectateur qui ne comprend toute l’ampleur du casse qu’assez tardivement.
Cette construction s’accompagne d’une expérimentation sur le temps : en fonction des différents collaborateurs, la même séquence est montrée à plusieurs reprises et les retours dans le temps permettent de construire la dimension collective du braquage.
Attentif au timing, Kubrick ne l’est pas moins aux objets et aux éléments susceptibles de se transformer en grains de sable dans l’engrenage : le fusil, la valise, le caniche…
Convergeant vers le grand carnage, dans une tonalité des plus ironiques, L’Ultime razzia joue finalement cartes sur table : s’il on y traite de maitrise et de succès, c’est bien de ceux du cinéaste, grand architecte d’une machine imparable.

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Sergent_Pepper
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le 1 juil. 2014

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