La carrière de Stanley Kubrick s'accélère grâce à ce troisième film, The Killing, récit exhaustif d'un casse délivré par une narration non-linéaire. Le rapport si pénétrant de Kubrick à l'espace y est déjà, sinon l'ensemble est plus conventionnel. Kubrick se hisse au niveau des références classiques, manifestement marqué par le cinéma d'Orson Welles (La dame de Shanghai, Citizen Kane). Il est déjà l'artisan virtuose et le formaliste prodigieux qui s'épanouira dans 2001, Shining, Full Metal Jacket. Néanmoins The Killing demeure une chose dérisoire par rapport à ces 'classiques' (ou à Eyes Wide Shut) et n'a surtout pas leur profondeur ni leur ambition intellectuelle.
Kubrick monte un édifice solide où sont réunis les points de vue de tous les acteurs du casse préparé. Chacun se projette, précise ses intentions, se justifie éventuellement, médite sur les plans alternatifs ou les menaces, matérielles, légales ou humaines. C'est donc le passage en revue des points de vue pendant les deux tiers du film, de façon très légère, sans effet catalogue ; on a plutôt la sensation d'avancées conséquentes, alors que concrètement toutes ces agitations ne sont pas le cœur de l'affaire. Viendra l'heure d'appliquer le plan et le film prend alors une tournure plus trépidante : le spectateur a été mis en condition pour ressentir l'importance de l'événement, sa valeur pour chaque participant.
Il est en alerte parce qu'il sait quelles sont les menaces silencieuses. Assister à cette convergence de forces en sachant pour toutes comment elles arrivent, dans quel état d'esprit, permet de passer d'un suspense superficiel à un autre état. Le spectateur est absorbé par les conséquences de chaque action qu'il guette, plutôt que par les événements immédiats pour eux-mêmes ; ainsi L'ultime razzia transcende la banalité, bien qu'il en soit totalement otage. Le programme est en effet très ordinaire et il n'y a pas de chemins de traverse, pas d'éclairs de génie dans l'histoire en tant que telle. Tout ce manège flirte avec le vaudeville de gangsters, avec un parfum de film noir en sommeil sous le concept. Le dénouement est mesquin.
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