(ou comment en venir aux mains avec l'histoire écrite par les losers pas magnifiques du tout afin de leur faire cracher la vérité - banzaiii!)
Le premier plan du documentaire nous montre un appel au meurtre de l'ex-premier ministre Kakuei Tanaka (que wikipedia décrit comme pourri, mais bosseur), affiché sur la façade de la boutique de Kenzo Okuzaki - 62 ans, dont 10 de travaux forcés pour le meurtre d'un courtier en immobilier en 1956, 18 mois pour l'agression de l'empereur à la fronde en 1969, et 14 mois pour la distribution de papiers avec un montage pornographique le mettant en scène.
A l'occasion de l'anniversaire d'Hirohito, Okuzaki traverse les rues de Tokyo dans une camionnette pourvue d'un haut-parleur, en exigeant qu'il demande pardon pour la guerre.
le (presque) dernier homme debout
Okuzaki a profité de son long séjour en prison pour donner une forme à sa révolte, en se reconnaissant le devoir de rendre justice à ceux que l'empire a sacrifiés. Dans son oeuvre de restauration de la mémoire par les poings, il a trouvé quelques alliés, par exemple son épouse, et l'anarchiste rencontré le jour de son agression sur l'empereur, venu de son coté jeter une grenade fumigène sur le fils du soleil.
la justice à l'urine
Au nom de la justice divine et du droit naturel, Kenzo Okuzaki assume ses actions illégales contre ceux qui n'ont jamais rendu de comptes pour leurs crimes.
Lors d'un mariage organisé dans les locaux de l'association du barreau de Tokyo, il prend le micro pour raconter, dans une ambiance sereine, comment il a insulté, craché et pissé sur les juges qui l'ont condamné pour son attentat contre le criminel de guerre Hiro Hito (et il bénéficie de quelques applaudissements).
Vérité et réconciliation à coups de tatanes
Le documentaire suit Okuzaki pendant des années à parcourir le Japon à la recherche de témoignages, pour comprendre l'exécution de deux soldats en Nouvelle Guinée, trois semaines après la fin de la seconde guerre mondiale. On le voit d'abord rendre visite à la mère d'un de ses amis morts à la guerre. Il lui confie, paroles sibyllines, que son fils avait eu la chance d'être l'un des premiers morts, et donc enterré. La suite montre ses visites chez les participants du peloton d'exécution qui avait abattu les deux soldats. Médecins, sergents, il vainc leurs silences, et obtient le nom de leur supérieur hiérarchique direct, celui qui a mis en oeuvre les ordres prétendument venus du dessus. Car il va le retrouver aussi.
Ton cadavre a un goût de cochon
Plus tard , il rencontre l'auteur d'un livre autobiographique témoignant de la famine des soldats japonais en Nouvelle-Guinée. Encore une fois, après les décennies de mensonges, il fait avouer la honteuse vérité : au lieu de se rendre à l'armée américaine, affamés, les Japonais se sont entre-dévorés ; assassinant les moins populaires, à la recherche de nouveaux prétextes à mesure que leurs rangs se réduisaient.
Le sens du devoir
Okuzaki, qui a passé la dernière année de la guerre comme prisonnier pour avoir frappé un officier, sait qu'il aurait pu être l'un de ces soldats assassinés par leurs concitoyens ; et parce qu'il est l'un des rares survivants de l'horreur de la fière armée japonaise en Nouvelle Guinée, il se considère investi de la mission de témoigner, et de faire témoigner les autres rescapés - quitte à leur extorquer des aveux par la violence. Il n'est pas militaire, il n'est pas flic : il assume ses méthodes, et âgé de plus de soixante ans, se prépare lors du tournage à retourner en prison pour dix ans - c'est-à-dire (on le découvre ensuite) à assassiner le commandant qui a fait exécuter les deux soldats après la fin de la guerre.
Ne le trouvant pas à son domicile, il tirera sur son fils, qui manquera mourir. Et il sera condamné à douze ans de prison. Mais son acte suit une logique : comme il l'a dit aux meurtriers qui faisaient partie du peloton d'exécution, chacun d'eux a continué sa vie, fondé une famille, eu des enfants. Leurs victimes n'ont pas eu cette chance.
La résilience est pour les faibles.
(j'ai résumé le documentaire parce que j'ai dû le revoir en prenant des notes, pour comprendre les liens entre les différents intervenants - après tout, il condense des années d'enquête, et le soin des explications est laissé à Okuzaki, sans aucun commentaire du réalisateur)