Bon, d'habitude, je résume l'histoire, mais là, je crois que je peux vous l'épargner, vous auriez l'impression que je vous prend pour des incultes...
Là voilà donc, la fameuse adaptation de La Belle et la Bête dont on nous a rabattu les oreilles à grands coups de promotion aussi légers qu'un coup de marteau sur une enclume ! Qu'en dire, si ce n'est qu'il est le film des extrêmes ? Excellent sur bien des points, raté sur bien d'autres, difficile de tirer un vrai bilan de ce film, tant il suscite toutes sortes d'émotion, autant négatives que positives...
Pour qui a en mémoire le classique d’animation, donc, cette version de Bill Condon paraîtra atrocement inutile, étant donné que le réalisateur a fait le choix de reprendre toutes les chansons du dessin animé originel. L'idée de voir une comédie musicale au cinéma est toujours engageante, mais le problème, c'est qu'ici, le résultat est bien pâle par rapport au modèle, et que, même si on oublie le dessin animé, une chanson sur deux est ratée. Si les chansons Gaston et Tuons la bête réussissent à ne pas faire trop pâle figure à côté de leurs aînées, pour les autres, c'est autre chose ! A commencer par deux des chansons les plus emblématiques du film : C'est la fête et Histoire éternelle. Durant la première, Condon nous livre une profusion de cadrages serrés sur les personnages ou bien agite sa caméra dans tous les sens de manière censément fluide, ce qui fait qu'on ne parvient jamais à avoir une vraie vue d'ensemble, et ne fait ressortir en aucune manière l'ampleur de la scène. Pour la deuxième, le chorégraphe Anthony van Laast tente de recréer la danse grâcieuse du dessin animé. Seulement, dans la réalité, cette sorte d'hybride entre la valse et le rock est du plus mauvais effet et ne fonctionne pas du tout.
Tant qu'on est dans les mauvais côtés du film, ajoutons aussi que c'est bien d'avoir quelques idées nouvelles à ajouter au récit originel, mais c'est mieux d'en faire quelque chose. Ici, hormis quelques chansons inédites qui s'écoutent bien sans pour autant casser trois pattes à un canard, on voit que les scénaristes tentent de montrer qu'ils font quelque chose de différent, notamment en creusant le passé des personnages. Passons sur un simili-flashback aussi court que dénué de sens, qui vise à nous faire croire qu'on va entrer dans le passé de la Bête, alors qu'on en sort aussitôt. Plus difficile en revanche d'ignorer la scène où les deux personnages principaux se retrouvent par le biais d'un livre magique à Paris, sur les traces de la mère de Belle. On apprend ainsi les causes de la mort de cette dernière : on est bien content, mais on ne voit pas bien ce qu'on est censé faire de cette information...
Tout n’est heureusement pas à jeter, à commencer par une mise en scène, certes inégale, mais souvent élégante, qui montre que, malgré ses erreurs, Bill Condon est loin d'être un manchot. Les décors, eux, sont constamment somptueux, rendant un bel hommage à l'esthétique baroque si caractéristique des XVIe et XVIIe siècle, particulièrement à travers le château de la Bête, qui est un véritable régal pour les yeux, tant il est soigné dans ses moindres détails.
Du côté des acteurs, le bilan est moyen. Mais même s'il faut souffrir le sympathique mais lourdingue Josh Gad (dont Bill Condon avait dit que sa prestation était "subtile et délicate"; il faudra qu'il me dise quelle est sa définition du terme "subtil") pour l'excellent Luke Evans, ce dernier perce l'écran dans le rôle de Gaston, taillé sur mesure pour lui. Emma Watson, quant à elle, use de son charme pour compenser ses faiblesses de jeu, et il faut dire qu'elle y parvient assez bien, tandis que Dan Stevens n'arrive jamais à faire oublier que son visage n'est rien d'autre qu'un masque numérique. Enfin, Kevin Kline, lui, convainc tout-à-fait, étant sans doute un des seuls à susciter une pleine empathie de la part du spectateur. Heureusement, la scène finale arrive à point nommé pour nous apporter quelques visages connus, et il faut dire qu'il y a quelque chose de jouissif à voir un candélabre se transformer en Ewan McGregor, une horloge en Ian McKellen et une théière en Emma Thompson...
Mais bon, il faut bien reconnaître que, malgré tous les défauts soulignés ci-dessus, le film avance cahin-caha, tant bien que mal, et finit par dégager une magie particulière, si propre aux studios Disney. Et pour peu qu'on arrive à se sortir le dessin animé de la tête (ce qui n'est pas évident, étant donné qu'à chaque fois, Condon nous y ramène !), on parviendra à ne pas trop s'arrêter sur les détails pour goûter un divertissement au charme bien présent, très oubliable, mais ne s'en regarde pas moins avec un vrai plaisir.
Tout le drame de La Belle et la Bête, ce n'est pas d'être un mauvais film - c'en est même un plutôt bon -, c'est d'être un remake inutile qui ne parvient jamais à dépasser sa condition de remake...