La Dolce Vita est aimé pour ses fastes, son érotisme, sa flamboyance, ses acteurs glamours, Anita Ekberg et Marcello Mastroianni sous la fontaine. C’est aussi un film mélancolique, mais comme ses personnages, il tient cette mélancolie secrète, pudique, tout en la laissant bloquer tout autre jugement. Et puis c’est une mélancolie qui s’entretient dans la jouissance ; les deux s'équilibrent.
La Dolce Vita c’est la décadence chez les riches ou assimilés, les petits marquis et les vrais puissants, puis toute leur cour et bien sûr, la fourmilière people. Par le biais des expériences d’un paparazzi et d’une actrice, nous passons trois heures à observer cette déliquescence dans le luxe, chez les nantis et le show-business. Nous voyons leur vie oisive, le vide permanent, les besoins affectifs et les frustrations que ces chanceux peuvent trahir.
Mais quel malheur, car ils ne savent pas les colmater ! La position de Fellini est paradoxale. Il traduit de façon catégorique l’essence mortifère de cette vie facile. La dernière séquence, avant le final sur la plage comme dans La Strada, est d’ailleurs une orgie sensuelle, visqueuse et pathétique. Les gens sont bruyants et foncièrement laids, en même temps chics et libérés. Or Fellini ne fait que se noyer dans la frivolité qu’il expose et devant cet existentialisme des trop bien lotis, il est passif, comme tétanisé.
On sent qu’il se fiche de tout ce que le sujet peut avoir de social ; il capte les moments de grâce, se languit de ces personnages sachant façonner leur quotidien comme une idylle désirable. Il cherche aussi la noblesse dans ces actes. Il y trouve de la beauté, mais une métaphysique rabougrie, lâche ; c’est un bal de nihilistes, d’opportunistes, de vaniteux. Et La Dolce Vita touche, par là, une vérité subjective concernant la nature humaine : c’est qu’au bout de la puissance et de la satisfaction, il n’y a rien, que le repos et le vide. Et les pressions communes nous préservent de ce vide ; alors que ceux qui surplombent ces exigences crues du réel, eux qui sont libérés de toutes ces entraves, se retrouvent face au néant.
Ils n’ont plus que leurs désirs généralement comblés, mais ceux-là gavent, peuvent même rendre aigri. Par conséquent, on est toujours piégé. Même si l’être dans une place confortable, c’est mieux. Le temps fuit et nous ne savons nous imprimer en lui ; le plaisir compense et à la fin, nous laisse toujours rejeté, seul. C’est un point de vue, il est courant, il traverse la plupart des esprits, il trouve une représentation fidèle ici.
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