Certains jalons sont plus immortels que d’autres : avoir le mérite d’être le premier à aborder un sujet, briser un tabou ou occasionner un nouvel éclairage sur un thème est une chose, cela n’occasionne pas forcément un chef d’œuvre.


La fureur de vivre est en tout point un film iconique : il porte avec lui l’éclatante naissance du mythe James Dean, la fameuse course de voitures et l’attention portée à toute une génération, celle des adolescents en passe de devenir des personnages à part entière. De belles séquences disent avec justesse la façon dont le monde des adultes se fissure, à travers le portrait pathétique d’un père en mal d’autorité, ou la violence sourde d’une visite au planétarium (à laquelle semble faire écho l’une des belles scènes du Virgin Suicides de Sofia Coppola). Le jeu sur l’espace et la nuit, qui trouve sa pleine expression dans la villa déserte servant de refuge aux protagonistes, est intéressant dans sa quête de recréation d’un monde utopique, notamment par la symbolique de la piscine vide, promesse fallacieuse d’un avenir fantasmé.


La subtilité de certaines prises de vue n’en est pas moins atténuée par le jeu général, voire une psychologie assez grossière des personnages. Natalie Wood est assez peu crédible, tant dans son interprétation que par la façon dont elle passe d’un excès à l’autre, de la bande de voyous à l’amour adulte, et le personnage de Plato plus que pesant dans ses quêtes de parents ou de frère ainé.


C’est donc un ensemble relativement déséquilibré et assez irritant que ce film dont on ne peut nier l’importance, mais qu’il s’agit de recontextualiser. Englué dans certains excès et des archétypes qui ont mal vieilli, il a les maladresses de la transition qu’il introduit. Sa musique, très présente, fait d’ailleurs beaucoup penser à West Side Story qui aura l’intelligence d’exploiter, à travers la comédie musicale, le lyrisme de mise pour traiter de l’adolescence. Ici, la sobriété n’est pas encore de mise, époque oblige, et les successeurs qui lui doivent beaucoup dépasseront sans difficulté le pionnier en la matière.

Créée

le 23 févr. 2016

Critique lue 1.8K fois

48 j'aime

3 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 1.8K fois

48
3

D'autres avis sur La Fureur de vivre

La Fureur de vivre
lucasstagnette
7

You're tearing me apart!

Film culte de Nicholas Ray, Rebel Without a Cause est un film à l'image de son héros, le légendaire James Dean, et du jeune Jim Stark qu'il incarne : il ne sait pas où aller, comment y aller,...

le 18 août 2011

31 j'aime

4

La Fureur de vivre
JohnSpartan
8

Teen movie antique.

Les films sur les adolescents en rupture avec le monde des adultes ne datent pas de John Hughes ou des gâteaux à la pomme. On est en plein dedans, mais dans un film bien plus dramatique que les...

le 26 oct. 2010

31 j'aime

1

La Fureur de vivre
Before-Sunrise
3

Je vends un Blu-Ray

"Premier teen movie", "rôle phare de la trop courte carrière de Dean", "film témoin d'une génération perdue".... On peut en lire des conneries sur La Fureur de Vivre. Ce film n'est rien d'autre qu'un...

le 19 juil. 2015

28 j'aime

15

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

774 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

715 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

617 j'aime

53