Première production signée Eduard Sarlui, avec l'appui de Roberto Bessi et de Frank Hildebrand, Le chevalier du monde perdu s'inscrit dès ses premières minutes comme un spécimen d'exception. Surnommé Sad Max par l'un des protagonistes de l'émission culte étasunienne Mystery Science Theater 3000, ce long métrage se distingue, et pas forcément pour les bonnes raisons, de ses collègues précités, qui étaient pourtant déjà bien chargés.
Mis en scène par David Worth, chef opérateur américain qui réalisa plusieurs films pornographiques dans les années 70 sous le nom de Sven Conrad, avant de signer la photographie de Bronco Billy de et avec Clint Eastwood en 1980, ainsi que celle du supra-nanar Never Too Young to Die en 1986, Le chevalier du monde perdu fut, si on en croit le premier intéressé, lancer dans des conditions annonciatrices de la sympathique catastrophe à venir. Dépêché en Italie avec comme seule et unique modalité, d'écrire un scénario et de mettre en scène un film à partir d'une affiche déjà finalisée, David Worth avait dès lors les cartes en main pour faire de ce chevalier une œuvre d'exception.
Tourné, comme il se doit, avec un budget misérable, le film réussit l'exploit de se démarquer de la concurrence et autres longs métrages post-nuke sortis la même année. Passé une introduction nous présentant les exploits dudit motard sur les routes méditerranéennes (pour les paysages désertiques, vous repasserez), la participation vocale remarquée de son acolyte électronique (nous vous laisserons apprécier les "Beep Bop A Loola", "Bad Mothers! Bad Mothers!" et autres "Whoopee!"), envers les sbires fascistes de la Force Omega, et sa pitoyable neutralisation par une bande de geeks et autres têtes de nœud dixit Einstein, le spectateur pourra finalement faire la connaissance avec le dernier résistant qui fait trembler la dictature de sieur Prossor : un vieux en toge fripée. Dont acte.
Sans dévoiler davantage le récit, citons toutefois, dans le désordre, quelques éléments et scènes portnawak propres à réveiller un nanarotron désormais en alerte maximale : une ambiance fétichiste SM sortie d'on ne sait où, et prétexte à on ne sait pas quoi, dans le club où passeront incognito le motard apathique et Nastasia, des bruitages synthétiques imitant à la perfection, au hasard, le son des mitraillettes (quand certaines détonations paraissent authentiques, d'autres se résument à de charmants pioupiou, alors qu'il s'agit bien, à première vue, du même type d'armes), un affrontement homérique entre notre héros et le meilleur du pire des combattants constitué d'amazones (les connaisseurs remarqueront la présence de l'actrice Brunomatteienne Geretta Geretta), de karatékas, de camionneurs, de militaires (dont un noir habillé en officier SS) et autres nerds, un gros camion (de la mort) nommé Megaweapon qui crache des flammes, une romance aussi éventée que prévisible, et enfin une chanson finale entonnée en chœurs par les combattants rebelles précités.
Fort d'un casting prestigieux, à savoir un Donald Pleasance en perdition rejouant, sans la balafre, son personnage d'Ernst Stavro Blofeld, du pauvre cette fois-ci, tiré d'On ne vit que deux fois, une Persis Khambatta, découverte dans Star Trek, le film, qui, après Megaforce l'année précédente, tend à prouver qu'on peut continuer à creuser une fois touchée le fond, un Fred Williamson en mission cachetonnage, et bien sûr, l'acteur qui a redéfini la notion de détachement, celui dont le charisme n'a jamais eu prise sur lui, le Robert Ginty. Auréolé de sa récente notoriété auprès des bisseux depuis Le droit de tuer de James Glickenhaus (1980), l'ex-Exterminator poursuivait bon an mal an sa carrière navrante avec, donc, un rôle à la mesure de son aptitude à jouer naturellement les personnages handicapés émotionnels, entre mutisme, indolence et médiocrité. Photographié par un spécialiste du genre, Giancarlo Ferrando [6], Le chevalier du monde perdu de David Worth n'engendre, on l'aura compris, nullement la monotonie. Mieux, entre deux carrières à ciel ouvert, en guise de paysage post-apocalyptique dans la grande tradition des productions italiennes de l'époque, on saluera l'effort consenti avec le décor de la cité futuriste.
http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2019/02/le-chevalier-du-monde-perdu-david-worth.html