Pour le plaisir de détricoter une aventure policière en étant sur-attentif, Le Grand Sommeil est un spectacle idéal. Ce film noir de 1946 met en scène une enquête complexe, avec un labyrinthe de détails et est limite à cerner. Malheureusement les élans des enquêteurs-spectateurs resteront facilement dérisoires et infructueux, puisque le réalisateur lui-même a confié ne pas avoir saisi toutes les subtilités de l'affaire. Il s'est appliqué à rendre la transposition à l'écran du premier roman de Chandler la plus chic et divertissante possible.
Par conséquent le film regorge de fausses pistes et de sous-intrigues nuisant à la compréhension : le remplissage est habile mais résolument frivole, à tel point que le crime principal finit par s'oublier et le dénouement a peu d'effets. Néanmoins sur le plan du divertissement c'est une mission accomplie pour ce Grand sommeil, second des quatre films mettant en vedette le tandem Bogart/Bacall, devenus amants et couple hollywoodien modèle. Ils se sont rencontrés deux ans plus tôt sur le tournage du Port de l'Angoisse (1944) également réalisé par Hawks.
Dans la galaxie des films noirs, ce joli film de studios occupe une place d'honneur grâce à son couple mythique et lance au cinéma le personnage du détective Philip Marlowe. Cependant il souffre de la comparaison à ses concurrents. Big sleep ressemble souvent à un ersatz de Assurance sur la mort (1944), une autre adaptation liée à Chandler. La plupart des autres films noirs ont préférés à raison travailler l’ambiguïté et l'atmosphère plutôt que sur-gonfler les petits détails mystificateurs et les évidentes fausses pistes.
En marge de l'enquête, des dialogues parfois ampoulés et peu fins, une galerie vaine et grossière de personnages 'sophistiqués', puis les gueules lasses de film noir inassumé. Le Grand sommeil laisse un profond sentiment d'incomplétude. C'est un produit assez ravissant visuellement (scènes dans l'ombre à la fin par exemple) et surtout très superficiel.
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