--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au quatrième épisode de la cinquième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/Secret_of_the_Witch/2727219
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---


Depuis le début du mois, les stars s’enchaînent de film en film, qu’elles soient devant ou derrière la caméra. Et ce soir, c’est au tour du très très attendu Mario Bava d’entrer en scène. Comprenez moi, malgré sa prolifique filmographie, c’est sa première apparition au programme du mois-monstre. Et finalement, tout cela reste cohérent, car je commence ce soir la filmographie de Mario Bava par son début, avec son premier film (selon les génériques du moins). 
Mario Bava fut dans un premier temps un génial chef opérateur, mais finalement, il n’y aurait presque pas eu besoin de le mentionner pour le deviner avec un visionnage attentif du film. Le film est une leçon de cinéma, s’exprimant avec un langage cinématographique limpide (des plongées écrasantes, des contre-plongées effrayantes, etc.) et une maîtrise technique irréprochable (des clair-obscur absolument parfait, jouant sur un contraste marqué et des délimitations de luminosité franches, sans pour autant perdre en lisibilité avec des noirs bouchés ou des blancs trop lumineux). On y retrouve également tous les joujoux avec lesquels un chef opérateur adore s’amuser, profusion de sources dans le champs (dans notre contexte semi-draculien, des bougies), et surtout tous types de fumées, enjolivant l’éclairage, et oppressant l’atmosphère (ouiii ! La fumée lourde !).
Un film de chef-opérateur, donc, mais clairement pas un film de scénariste, soyons honnêtes. Tout ce qui est écrit est soit très déjà-vu, soit complètement ridicule (même si c’est avec une certaine tendresse que j’ai été heureuse de retrouver mon amie la chauve-souris en plastique). Avec une exception cependant, et pas des moindres. D’ailleurs, Bava aura peut-être perçu que son seul coup de génie était de ce coté là, puisqu’il en aura donné son nom au film. Cette idée de « masque du démon », et son développement tout au long du film est absolument remarquable. Le principe même de masque est très cinématographique et je ne m’étonne donc pas que Mario Bava le chef opérateur reconverti ai eu envie de jouer avec dès sa première réalisation. Pour le comédien, un masque est presque méta, puisqu’on entend souvent dire que jouer c’est porter un masque, jouer en portant effectivement un masque doit être une expérience assez singulière. C’est aussi une façon d’anonymiser des visages archi-connus, qui portent sur eux presque tout le visuel du film. Cette anonymisation est alors une aubaine pour le chef-opérateur, qui voit son travail technique de l’image revenir au premier plan, sans avoir à se soumettre ni au visage du personnage, ni à celui de la star. D’ailleurs, c’est aussi une belle opportunité de pousser plus loin ce qu’on peut faire visuellement d’un visage : des visages en noir et blanc de *V pour Vendetta* aux visages brillants d’*Au-revoir Là-Haut*, on comprend vite tout ce que peut stimuler en créativité le masque chez un chef-opérateur. Ici, le masque est tant esthétique que scénaristique que conceptuel. Esthétique d’une part, car il est tout a fait raffiné, et que sa part d’étrange vient se noyer dans les dorures et les arabesques, redoublant son aspect effrayant. Bava s’amuse d’un tel masque, tant au cadre qu’à la lumière, et l’on ne peut que regretter que le film soit en noir et blanc, bien que lui préservant une part de mystère (mais de quel couleur diable peut-il bien être?). Scénaristique évidemment, le masque joue une grande part dans la diégèse, étant peut-être d’ailleurs l’élément le plus horrifique à mon goût de tout le film. Ce masque serti de pointe sur sa face interne, que l’on enfonce à coup de marteau sur le visage des condamnés, est simplement terrifiant. Cela ne l’empêche pas pour autant par la suite de verser vers une peur plus subtile, un malaise sous-jacent, le faisant passer d’élément matériel à notion conceptuelle, par définition insaisissable, et donc bien plus effrayante. Car une fois que les masques physiques sont retirés, les masques des personnages ne sont pas pour autant tous tombés. Les visages morts ainsi révélés n’en sont que plus terrifiants, avec leurs orbites vides et grouillants de vers. Mais ce n’est pourtant qu’une fois ressuscités que tout leur maléfice est révélé. Ils transforment l’essence des uns, leur laissant leur masque de gentils mais mettant en dessous un personnage maléfique, et absorbe celle des autres, jouant sur cette idée de gémellité dans un premier temps ressentie comme ridicule (on fusionne dans cette idée d’avoir la descendante lointaine de la sorcière interprétée par la même comédienne pour signifier leur grande ressemblance, à la fois le coté déjà-vu et celui de complètement ridicule, que je reproche au scénario de Mario Bava), mais finalement se révélant assez intéressant sur la fin, où princesse et sorcière se cachent toutes deux sous le même masque, et mettant le prétendant à l’épreuve de reconnaître sa dulcinée malgré les apparences.
Bien que je n’ai toujours pas compris s’il s’agissait d’un film de sorcières ou d’un film de vampire, (ou plutôt, comme je le soupçonne, d’un peu tout et n’importe quoi) je ne peux que reconnaître la grande maîtrise de l’outil cinématographique qu’a Mario Bava dès son premier film, et bondir de joie à l’idée qu’il ai su mettre son talent, non pas au service d’une élite snob comme on trop souvent tendance à le faire les gens qui se croient intelligent, mais au service d’un cinéma populaire, offrant ainsi son génie à ceux qui aiment vraiment le cinéma.
Zalya
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le 24 oct. 2020

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