--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au seizième épisode de la cinquième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/Secret_of_the_Witch/2727219
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---
Rien de neuf sous le soleil. Les Ensorceleuses coche avec une naïveté incroyable toutes les cases du film de sorcières tel qu’on le fait de la manière la moins audacieuse depuis plus de 20 ans : quelques têtes d’affiche pour appâter le spectateur, une petite malédiction familiale, une histoire d’amour qui tourne mal, une autre qui tourne bien, des pelletés de femmes (beh oui, les femmes c’est pas aussi bien que les hommes, alors pour compenser on en met plein), des vieilles tantes un peu jetées, des jeunes sœurs un peu canon, des balais, des potions magiques, un vieux grimoire, un chat noir, quelques incantation dans une langue inventée, des musiques qui font « wouwou », des petits effets spéciaux discrets mais rigolos. Et Abracadabra ! Un joli film de sorcières !
Je ne critique aucun des éléments de cette liste, comprenons-nous. Chacun indépendamment apporte son petit plaisir simpliste, d’une musique qui vous transporte instinctivement dans un autre monde à des effets qui se prémunissent contre le raté en se la jouant modeste (c’est plutôt positif, surtout quand on sort de quatre ans de transformations immondes et de chauves souris en plastique). Sandra Bullock et Nicole Kidman sont, est-ce nécessaire de le préciser, extrêmement convaincantes et charismatiques, en sœurs âme-sœurs utilisant par faiblesse parfois une sorcellerie qu’elles auraient préféré bannir de leurs vies (j’adore le petit truc de la cuillère qui tourne toute seule dans la tasse, qui dit tout de la subtilité simple du personnage de Sandra Bullock). J’accroche un peu moins sur le coup de la possession qui arrive en deuxième partie de film, mais ce n’est je pense qu’un avis personnel.
Ce qui me chagrine par contre, c’est que le film ne fait pas preuve de la moindre audace. Il n’apporte sa pierre ni à l’édifice du septième art, ni à celui de la sorcellerie au cinéma. Il se vautre avec paresse dans tous les lieux communs, se croyant subtile et ne se révélant qu’inculte. En est la preuve cette scène de recrutement de sorcières (aberrante par plein d’autres aspects, car l’un des seuls points sur lequel semblent s’accorder les légendes et scénario, jusqu’à celui du film du jour, est que la carrière de sorcière se transmet par hérédité, donc il n’y a absolument aucun sens à aller faire du recrutement à l’amicale de l’école. Bref), où l’une d’entre elles débarque avec un aspirateur au lieu d’un balai. Certes c’est amusant, mais le gag a déjà été utilisé et rongé jusqu’à la moelle par Hocus Pocus, cinq ans plus tôt.
Oubliable donc, enfin presque, car quelques scènes sont de celles qui marquent les esprits. Quelques âmes fragiles auront peut-être été impactés par la scène d’exorcisation, abracadabrante certes, mais ne serait-ce pas à propos ? Pour ma part, je me disais peu séduite par la dérive de la deuxième moitié du film, cette scène m’aura donc laissé un effet assez mitigé, entre satisfaction d’un montage efficace, insatisfaction d’un scénario plus que bancale, et finalement profond désintérêt pour ce développement là dans sa globalité. Par contre, je me dois tout de même de saluer cette très jolie scène de beuverie familiale au milieu de la nuit, aromatisée à la sauce sorcière. On a déjà vu cette scène cent fois, qui commence dans une joyeuse euphorie et qui finit en règlement de compte, les langues se déliant en fonction du taux d’alcoolémie. Tout de même, cette scène est d’une grande réussite, disant à la fois avec tendresse les liens inébranlables qui unissent cette famille pas comme les autres, et à la fois toute cette différence là, qui en les isolant du reste du monde, aura forgé des personnages maussades, sinistres, marginaux et tristes. Seules mais entre elles, rejetées mais puissantes. Sans repousser les limites du genre, Les Ensorceleuses propose tout de même une belle sensibilité pour son sujet, et ainsi une grande empathie pour ses personnages.