Première adaptation du roman To Have and Have Not (1937) d'Ernest Hemingway, par son ami Howard Hawks, le réalisateur de Rio Bravo et du premier Scarface. Hemingway n'avait encore été adapté que deux fois au cinéma et y restait hostile ; Howard Hawks lui a promis qu'il ferait de son pire roman la source d'un film dont il serait satisfait. En plus de cette anecdote, Le Port de l'Angoisse marque la rencontre d'Humphrey Bogart et Lauren Bacall, démarrant leur idylle sur ce tournage pour devenir un des couples les plus célèbres d'Hollywood.
Réalisé en 1944, le film se déroule pendant la période vichyste sur l'île de la Martinique. Harry Morgan (Bogart), marin et patron-pêcheur, pose le pied sur Fort-de-France. Avant de reprendre la mer, il loue son bateau à un riche client comme il en a l'habitude. Johnson s'avère un mauvais payeur mais lui permet de rencontrer Marie (Bacall, première apparition au cinéma), une américaine. Avec elle, il va s'infiltrer dans la Résistance avec les activistes français.
Le Port de l'Angoisse s'inscrit tellement dans le sillage de Casablanca (1942) qu'il semble en être un remake. C'en est plutôt un petit frère sinueux et ténébreux, politiquement taciturne. Pas tant de vertiges existentiels ici, ni de préoccupations liées au temps ; la passion du présent de l'écriture d'Hemingway forge la destinée des protagonistes. L'alchimie du couple est remarquable, le tandem déborde de sensualité, bien plus qu'avec Hepburn dans Casablanca, où Bogart était déjà l'amant.
C'est un spectacle léger, un film de studios très élégant où tout le monde fume abondamment, où les salauds sont remarquables même s'ils sont dégueulasses, où les héros sont toujours en forme et imperturbables. To Have and Have Not flirte avec le film noir aseptisé, genre alors en plein essor. Pas d'aventures extravagantes, mais une romance chaste quoique très adulte et des enjeux graves réglés avec une aisance presque surnaturelle par Bacall et Bogart.
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