Luc Jacquet se serait fondé sur sa propre rencontre avec un renard, enfant, pour réaliser ce conte. Quelque soit le poids réel de cette anecdote, Le renard et l'enfant offre une splendide représentation d'une relation heureuse entre humain et animal. La passion, l'observation et le romantisme combinés ont donné un résultat à la fois rêveur et franc, idéaliste mais acceptant les limites. La Nature présentée est transformée par le regard d'un enfant, l'histoire subit quelques distorsions pour s'accorder à ses préférences. Les dangers croisés par le renard sont dramatisés et condensés. D'autres animaux sont croisés (hérisson bouffeur de sandwich, oiseaux hautains, même une loutre et un lynx!) et la visite est égayée par la présence des renardeaux (bébés puis ados).
Le Renard et l'enfant est un grand exemple de la sensibilité éco-centrique au service d'une bulle narcissique (annoncée comme un flash-back d'enfance, raconté par une mère à sa fille). Mais le film ne ment que pour embellir et en passant un contrat tacite ; nous irons le plus loin possible, nous investirons la Nature, mais jamais nous ne l'habiterons et jamais nous n'arriverons à la re-créer, quelque soit nos efforts et nos sacrifices ; à moins de la tuer pour jouir de son cadavre. Si la cohabitation et l'approche sont possibles, ce sera toujours comme voisins, jamais comme partenaires sous le même toit. Le renard pourra être un ami libre, sinon il sera un prisonnier hagard, au dépérissement immédiat. La leçon susurrée par Isabelle Carré en fin de séance renvoie à un chapitre du Petit Prince de St-Exupéry, où le renard apprend au garçon à l'apprivoiser et où tous deux acceptent de rester liés l'un à son environnement, l'autre à son destin. D'ailleurs la complicité ne peut combler de nombreux fossés et elle fonctionne en dépit d'une certaine incompréhension (ou grâce à elle). Tomber sous le charme d'une chose ou d'un être ne change pas ses actes : lorsqu'elle s'amuse des chasses de son compagnon, la gamine rit de ce qui est pourtant la cruauté animale – insolite pour un humain certainement, mais pas ludique.
Les comportements des renards sont fidèles à la réalité (une dresseuse les encadraient sur le tournage : Marie-Noëlle Baroni, qui vit avec eux et les guide dans des spectacles – elle travaillera plus tard sur Les Saisons de Perrin), mais le film ne propose pas non plus d'étude approfondie de leur caractère ou de leur mode de vie. Il les montre dans leurs activités et en ajoute quelques-unes, soit tout ce qui implique la gamine, ainsi que les rencontres fantaisistes (comme celle avec un ours). Comme La Marche de l'empereur, ce n'est pas un documentaire. Cette fois les projections humaines sont absentes et même refoulées, en tout cas concernant l'animal ; c'est le décors qui tend à l'artifice, est corrompu pour donner une Nature idyllique. Le résultat est émouvant et le glissement vers l'imaginaire irrésistible, car le film colle aux ressentis de la petite fille (parfois aux instincts d'animaux) – sans que les lois du réel ne cèdent. L'interprétation de Bertille Noël-Bruneau l'inscrit sur la courte liste d'acteurs précoces au jeu crédible et puissant. La voix-off assurée par Isabelle Carré (Kate Winslet chez les anglo-saxons) débite des commentaires peu enrichissants au départ, délicats dans l'ensemble. Elle participe à une prise de recul et donc à l'équilibre du point de vue, la candeur d'enfant étant recomposée avec une assertivité douce d'adulte serein et éclairé.
https://zogarok.wordpress.com/2016/12/02/le-renard-et-lenfant/