Auprès de l’inconnu pour trouver du nouveau
Le plan séquence qui ouvre le film suit Alix (Emmanuelle Devos) depuis les coulisses jusqu’à la scène illuminée où elle va jouer son rôle, habile métaphore du parcours sentimental à venir, des obscures voies de traverses à la révélation éclairante du choix final.
Le récit lui propose une escapade d’une journée qui va commencer par mettre en place tous les délestages possibles avec le réel : carte bancaire bloquée, batterie de téléphone vide, petit ami qui ne répond pas au téléphone, audition minable. Alix sillonne Paris, ne cessant de tourner autour d’un noyau de mystère, l’inconnu croisé dans son wagon, alors que c’est ce même train qui va tendre la journée d’une urgence insoutenable par son horaire impératif.
Assez proche de la sensualité averbale de Lady Chatterley ou de la sentimentalité des perdus dans la ville de Bird People, Jérôme Bonnell marche souvent sur les pas de Ferran, feignant d’en atténuer l’intensité. Emmanuelle Devos dévore l’écran, au risque d’écraser ses partenaires, mais c’est bien d’elle qu’il s’agit, ses rencontres ponctuant une tragicomédie dont elle est le centre. Juste dans sa tentative d’établir un coup de foudre libertaire entre deux personnages trop vieux pour croire à cette pseudo adolescence, le film propose aussi des incursions comiques souvent réussies. Le rôle du beau frère, la dispute avec la sœur, et jusqu’au burlesque d’une rencontre brutale entre Alix et un poteau, diversifient ainsi le parcours et l’épaississent d’une chair séduisante.
[Spoils]
A la différence de bien des romances, le comptage du temps et la lucidité mature des protagonistes laisse peu de doute sur l’issue de la journée. Celle-ci a tout d’une parenthèse éphémère, entre enterrement et fête de la musique, chausson aux pommes avec un fâcheux et chambre d’hôtel occupée l’après-midi. La vie attend à ses marges : l’horaire du train, la représentation du soir, l’enfant à naitre. Entre temps, on aura vécu ces fulgurances que le quotidien nous refuse, pour se charger le cœur d’étoiles.
Le temps de l’aventure n’est pas un film original ; drôle et touchant, sans manières, il est doté d’une qualité rare, celle de la justesse.