Or : tant en emporte le vent…
(Série "Dans le top 10 de mes éclaireurs : Ze Big Nowhere)
Difficile de ne pas penser à Des Souris et des Hommes dans l’exposition de l’intrigue du film. Tout rappelle cette fable tragique où l’on procède à un double projection : celle du projet, la fortune et la construction (d’un verger, ici, déclinaison de la fameuse fermes aux lapins de George & Lennie) et celle de l’annonce du pire par les avertissements du vieux sur les ravages de l’or.
Le trésor de la Sierra Madre est un film particulièrement hétérogène : récit d’aventures, avec attaques de trains, des bandits et une nature hostile. Fable humaniste légèrement cynique sur la difficulté à travailler en équipe. Comédie, aussi, sur la bêtise humaine. A ce titre, la composition de Bogart, aux antipodes de son statut habituel de blasé hautain, ici simiesque et misanthrope, est un morceau de choix. En contrepoint de l’humanité déchue qu’il représente, le viel Howard représente la sagesse : solidaire, presque écolo (pansant la montagne et la remerciant avant de la quitter), il tisse les liens, et va jusqu’à guérir un enfant dans une très belle séquence, enclave de silence et de recueillement dans un univers déchiré par l’avidité des passions égoïstes.
Comme souvent dans les fables, le film n’évite pas certaines lourdeurs didactiques : la lettre à James Cody qui sur explicite que le vrai trésor, c’est l’amour familial, ou la rigueur avec laquelle Bogart applique le programme énoncé par Howard sont un peu forcées. Mais la paranoïa croissante de son personnage et les erreurs qu’il accumule font aussi la force du récit, dont la morale dépasse celle d’un apologue trop sage. Le grand éclat de rire qui conclut le film dans un vent doré a quelque chose de véritablement jubilatoire, et donne tout son éclat à ce film finalement profondément humain.
(8,5/10)