"L'Ante-Christ, c'est l'Or."
D'un côté, il y a l'Or, celui qui rend fou, qui détruit les hommes, qui détruit leurs coeurs et leurs vies, l'Or qui comme chez Cendrars ruine plus qu'il enrichit, cet Or qui se cache partout dans ces montagnes et ces rivières, cet Or qui attise tant de convoitises est juste là, à portée de la main. C'est en tout cas ce que nous raconte ce vieux fou à la vie déjà moitié brisée.
De l'autre côté, il y a Humphrey Bogart, plus détruit que jamais, ruine d'américain égaré dans un Mexique de bandidos avides et de Federales à la justice violente et intransigeante. Humphrey donc, toujours classe, même sale, barbu et débraillé, fait la manche dans les rues sombres mais ensoleillées - si, si - de Tampico, n'attendant de la vie qu'une poignée de Centavos pour manger, ou dormir ; la vie n'offre pas toujours les deux.
Notre vieil Indiana Jones des fossés rencontre au hasard d'une arnaque dont il est victime deux compagnons, Curtin, qui ne vaut guère mieux que lui, et Howard, le vieux, qui sait où cet Or tant désiré se cache, et qui saura l'extraire en temps voulu ; l'occasion est trop belle pour ne pas tenter sa chance, surtout que le Destin lui-même - un petit mexicain d'environ douze ans - darde notre cher Humphrey de ses doux présages.
Ici, presque tout est dit : John Huston n'a plus qu'à laisser tourner la caméra - par chance, il le fait d'ailleurs particulièrement bien - la Sierra Madre est un décor parfait pour cette histoire, l'aridité des lieux, sa faune, la chaleur, les bandits et les paysans mexicains, tout est là, dans ces terres d'aventures et de folies paranoïaques ; la soif de l'Or est dans toutes les poches, le danger rôde derrière chaque rocher.
Huston, comme pour les sauver d'une fin autodestructrice et trop facile s'échine à leur montrer une autre voie, la lettre d'une femme amoureuse, la vie d'un enfant qui ne tiendrait plus qu'à un fil ; hélas, rien ne peut calmer cette soif infinie de richesses.
S'il doit subsister un espoir, ça sera le rire.
Ou la bouteille de téquila qu'on déguste au goulot, un quart de citron entre les dents, tranquillement installé au fond de son hamac, parce que ça, ça vaut sans doute tout l'Or du monde.