Particulièrement médiocre, le Vendredi 13 de Sean Cunningham était surtout extrêmement racoleur. En tenant ses promesses, copiant les références de l’Horreur et reprenant à son compte les codes du slasher consacrés par Halloween, ce film sorti en 1980 a engendré la saga horrifique la plus longue du cinéma populaire. Cette prolifération s’explique simplement : comme pour la télé-réalité, il y a peu de moyens à mobiliser pour fabriquer un Vendredi 13, alors que les recettes sont fortes voire massives. Le premier Vendredi 13 reste l’un des films les plus rentables de tous les temps ; ses suites, sans battre le record car elles jouissent de budgets plus élevés, ont permis des bénéfices parfois spectaculaires.
Réalisé dès l’année suivante (1981), Friday the 13th part 2 marque l’entrée en scène de Jason Verhoees, le tueur de la saga (ces premiers pas sont à attribuer au scénariste Ron Kurz). Il ne dispose pas encore de sa machette ni de son masque de hockey ; Vendredi 13 a cette particularité de n’approprier d’identité à son boogeyman qu’au bout de quatre opus. Jason n’apparaissait que dans un flashback très vague, une espèce de reprise ringarde de Hitchcock. Il y était enfant et se noyait dans le lac de Crystal. Dans ce Chapitre 2, nommé Le tueur du Vendredi au Québec et en France, le spectateur apprend que Jason est toujours vivant : il a passé 24 ans dans la forêt à s’assimiler aux animaux, avec pour seule référence humaine, le souvenir de sa mère. Pour le moment, il s’affuble d’un sac à pain, avec deux ou trois trous pour voir et respirer ; et s’élance fourche à la main.
Cette nouvelle donne est amenée avec une maladresse logique totale, mais efficacité : lors d’une séance ‘fais-moi peur’ avec narrateur au coin du feu, le chef de la colo raconte l’histoire de Jason. Mais d’où vient cette légende, de qui, de quoi ? D’ailleurs les phobies des locaux dans le début du premier opus étaient fondées sur : rien. Mais peu importe, certains connaissent cette légende, en tout cas Paul le responsable de la ré-ouverture du camp, cinq ans après les atroces événements de Vendredi 13, la connaît. Naturellement il n’y souscrit pas et présente la version officielle, celle que tous croient, à tort, comme le spectateur (malin!) le sait déjà. C’est qu’il y a toujours cette inconstance grotesque (le mec disparaissant pendant 20min puis réapparaissant dans la cabane à la fin). Elle s’affirme toutefois dans les marges standards, non au degré hallucinant du premier opus.
Pas de surprises, Le tueur du Vendredi est mal écrit, bancal, grossier dans son approche. Oui mais il est écrit, chargé et généreux. Il y a nettement plus de vitalité dans cet opus que dans la plupart, en particulier l’opus modèle et les deux suivants ; ainsi le film croule sous la ringardise du début des années 1980s, mais ses jeunes le sont, jeunes ! Par rapport aux délires pseudo-sociologiques de Meurtres en 3D et à l’invraisemblance du film de Cunningham, c’est déjà beaucoup. L’ensemble des personnages sont creux voire inexistants, mais fonctionnent sans heurts particuliers ; la dernière survivante est relativement honorable. Ginny (Amy Steel) sorte de ‘psy’ du groupe aspirant à comprendre le cas Jason et ses dilemmes avec maman, est un cadeau dans le contexte.
Très vicieux, ce Chapitre 2 est très au-dessus du lot grâce à son caractère de film d’exploitation assumé et servi par le talent de Steve Miner. Ce réalisateur s’illustrera plus tard par Forever Young avec Mel Gibson et Elijah Wood, puis dans l’horreur avec House (1986) et Halloween 20 ans après, une des meilleures suites d’Halloween et un slasher remarquable. Si le fond ne brille pas, la manière de s’approprier l’espace et de gérer le suspense propres à son style sont ultra bénéfiques dans des films de divertissement. Tout est donc beaucoup plus franc dans cet opus ; d’abord, les meurtres ont un côté pittoresque, à la limite de la farce lors de la dégringolade de l’handicapé. Mais surtout au rayon pseudo-érotique, Le Tueur du Vendredi frappe fort. Quand son prédécesseur se contentait de faire monter la sauce autour d’un navrant strip-poker, lui multiplie les scènes évocatrices et la semi-nudité. Il pose d’ailleurs clairement son ambition lors de la surréaliste petite scène du lance-pierre.
Ce second opus laisse donc quelques scènes passablement inspirées et baigne dans un climat plus sympathique et surtout très frontal. Il pose quelques pistes, enrichit la mythologie du tueur, avec l’antre de Jason et le petit autel. Mais si le degré d’inventivité est élevé pour un Vendredi 13, il n’en demeure pas moins dérisoire à l’aune d’un film moyen, y compris un produit de genre. De plus, le tueur est grotesque et son action peu crédible ; factuellement, il massacre des gens, concrètement, il a des instants de lag. Sur ce point, le chapitre 3 (Meurtres en 3D) sera encore plus radical et tutoiera la bouffonnerie. Enfin au terme de la poursuite finale où Jason se prend coups sur coups, y compris droit dans les burnes, il achève de se déshonorer en affichant son visage. L’autre grand défiguré du slasher, Freddy (des Griffes de la Nuit), est autrement pimpant.
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