Un bien étrange objet situé à l'extrémité de la filmographie de Fritz Lang, de retour en Allemagne de l'Ouest. C'est simple, si je n'avais pas eu idée de la date et du réalisateur, et si l'on excepte quelques indices qui détonnent, j'aurais dit qu'il s'agissait d'un Hitchcock allemand façon film noir et espionnage des années 40-50. Il y a aussi un peu de James Bond avant l'heure, et on imagine sans mal que c'est en partie issu de son passage aux États-Unis qu'il en revient avec de nouveaux gadgets, pistolet à air comprimé hyper puissant envoyant des balles comme des aiguilles qui transpercent les corps sans laisser de traces (enfin, si, ça c'est plutôt raté...) ou encore la voiture qui change de plaque d'immatriculation automatiquement.
Quelque part, le titre original allemand sied mieux au film : "les mille yeux du Dr. Mabuse". En lisant "diabolique" dans la version française, on est tenté de s'imaginer un contenu sombre proche d'un film comme "M Le Maudit" alors qu'on en est très, très loin. Il y a bien un discours politique derrière la multiplication des micros et des caméras, derrière ces personnes assises devant des écrans ou des miroirs sans tain qui en surveillent d'autres : l'avènement du règne des écrans se fait bien sentir, le Mal met à profit les nouvelles technologies dans toutes leurs formes.
Mais l'ensemble, s'il se suit sans difficulté, manque d'envergure, de passion, on sent bien qu'il s'agit d'une œuvre de commande. On dirait que Lang avait raté son retour en Allemagne, les trois films qu'il y réalisa (celui-ci, sorti après Le "Tigre du Bengale" en 1958 et "Le Tombeau hindou" en 1959) n'étant pas particulièrement engageants. Il y a beaucoup trop de passages obligés du genre, fausse tentative de suicide, femme en détresse, manipulations diverses, agents secrets, etc. Sans doute peut-on y voir la volonté de surfer sur la renommée des deux précédents volets (que je n'ai toujours pas vus). Difficile de rattacher cet objet à la filmographie de celui qui réalisait trente ans plus tôt des films comme "Fury", "M", ou "You Only Live Once"... Et en tant que dernière réalisation portant le sceau de Lang, "Le diabolique Docteur Mabuse" laisse un goût terriblement amer.
[AB #97]