Les Bêtes du Sud sauvage par Patrick Braganti

Bizarrement récompensé de la Caméra d'Or à Cannes - on a connu le jury plus inspiré pour dénicher les réalisateurs en devenir - ce film est un effroyable et indigeste salmigondis qui mélange dans un bric-à-brac qui nie l'idée même d'une trame narrative, sinon dramaturgique, le documentaire façon National Geographic, la propagande écologiste et la mise à mal du modèle capitaliste, l'élégie organique et le conte un peu niais qui n'oublie même pas une issue moralisatrice, défendant en creux les chères valeurs américaines : la famille à défendre et à protéger (Je dois m'occuper des miens) et la réussite vaille que vaille - ne pas courber l'échine, se comporter en caïd. Le plus intéressant dans cette affaire, parce que sans doute le moins attendu, c'est la relation d'égal à égal entre le père sérieusement allumé et la petite fille sans mère qui doit faire face. Il n'est pas si sûr par ailleurs que les bêtes sauvages évoquées par le titre soient les aurochs menaçants et fantasmagoriques qui traversent le bayou inondé et dévasté. Ne seraient-ce pas davantage ces sauvages refusant de se soumettre à l'autorité américaine de l'autre côté de la digue, vivant effectivement comme des bêtes dans leur habitat de fortune, s'alimentant d'aliments le plus souvent crus, au milieu d'un paysage qui sent la décomposition et la pourriture. Pour honorable, et hélas vaine, que soit la lutte de ceux qui refusent de quitter le Bassin, elle n'est guère magnifiée par ce film sans mise en scène, agglutinant des séquences plus ou moins spectaculaire ou oniriques, sans jamais leur communiquer le moindre souffle épique.